La légende du lac de la Maix [Vexaincourt (Vosges)]

Publié le 20 octobre 2022 Thématiques: Âme , Animal , Bruit , Cloche , Danse , Diable , Diable victorieux , Disparition , Enfer , Engloutissement , Ermitage , Ermite , Impiété , Lac , Légende chrétienne , Lieu englouti , Messe , Messe (ne pas assister à) , Mort , Musicien , Origine , Origine de bruits , Origine d'un lac , Origine d'un lieu , Pèlerinage , Poisson , Punition , Transformation , Transformation en animal , Violoniste ,

Lac de la Maix
Lac de la Maix. Source {{GFDL}} Copyright © Christian Amet via Wikimedia
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Source: Spetz, Georges / Légendes d'Alsace - Poèmes de Georges Spetz (1905) (2 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Lac de la Maix / Vexaincourt / Vosges / France

Au loin, dans les genêts, le doux chant d'un berger,
La fanfare du coq sonnant dans le verger,
Le murmure des eaux, des voix, du babillage,
Et de vagues rumeurs qui partaient du village,
En un joyeux concert, saluaient le matin
Radieux et vermeil d’un dimanche de juin.
C'est la Saint-Jean d'été, la patronale fête !
A célébrer ce jour, chacun gaîment s'apprête.
Le temple est décoré, l’autel paré de fleurs;
Partout la joie éclate et règne dans les cœurs !

Soudain!... au pré, sous le grand chêne,
Comme un lion brisant sa chaîne,
Surgit, la flamme dans les yeux,
Un étranger mystérieux!
Sa face dure, au teint de bile,
Ricane... Il se tient immobile
Et, son violon sous le bras,
Se dresse fier, sans faire un pas!
Mais, tout à coup, vers le village,
Agitant l’archet avec rage,
Il lance un regard de mépris
Sur l’église et le crucifix !

Puis il prélude par un thème.
Vague écho des airs de Bohème?
Pressant appel du violon
Qui résonne dans le vallon !
En écoutant cette musique,
D'un accent sauvage et magique,
On s'étonne, on sort des maisons,
Enfants, jeunes filles, garçons,
En bande, quittent le village...
Mais, pour les charmer davantage,
Cet étrange ménétrier,
D'un geste brusque et cavalier,
Vivement attaque une danse...
Et vers le pré chacun s'élance!
A ces accords harmonieux,
Couples jeunes et couples vieux
S'enlacent!... avec quelle joie
Le cœur bondit et l’œil flamboie! —
Ils dansent tous charmés, ravis!
C’est la valse de leur pays,
Qui d’abord glisse douce et lente,
Puis, soudain, devient entraînante...

Mais les cloches sonnent!... et l’air
S’emplit de leur tintement clair:
Carillon de fête et liesse,
Elles annoncent la grand’messe !...
Les uns s’arrêtent consternés?
Ils ont la peur d’être damnés!...
D’autres, se moquant de leur crainte,
Blasphèment contre la loi sainte!

Mais le violon, sous l’archet,
Vibre, s’anime sans arrêt!...
Et la danse reprend, s’affole!...
L’œil hagard, sans une parole.
Pris de vertige, ensorcelés,
Les valseurs tournent endiablés.
Le violon, comme un orage,
S’emporte, s’irrite, fait rage!...

Et les cloches sonnent encor,
En un plaintif et doux accord:
Elles appellent, elles prient,
Elles pleurent, elles supplient!...

La ronde n'entend, ne voit pas!...
Et la nuit s'avance à grand pas...
Mais ils tournent, tournent sans cesse!..
De l’enfer est-ce la kermesse?

Et les cloches sonnent !... leur voix
Appelle une dernière fois:
„ Pourquoi ne pas prier et croire?"
Leur glas s'ételnt dans la nuit noire!...

Ils tournent, Ils tournent, maudits !
Au bal, par le Diable conduits!
Son violon rugit et râle,
Entraînant la danse infernale!

Horreur!... par un choc terrassés,
Les couples tombent enlacés ;
— „A moi, damnés ! C’est la sentence !
En enfer finira la danse!"...

Tordus et sur l'herbe gisant,
Ils expirent en gémissant !...
Alors la terre se crevasse,
S'entr’ouvre... un vent furieux passe.
L'éclair brille, un coup retentit !...
L’eau monte, bouillonne, engloutit
Le grand pré, l'arbre centenaire!
Sous un lac, que la lune éclaire,
Tous les danseurs sont engouffrés,
Pour toujours à Satan livrés!

Et lui, sinistre, sans mot dire,
Lance un strident éclat de rire,
Frappe un sec et dernier accord.
et disparaît avec la Mort!...

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Source: Bour Henry / La Forêt vosgienne, son aspect, son histoire, ses légendes (1893) (moins d'1 minute)
Lieu: Lac de la Maix / Vexaincourt / Vosges / France

Au temps jadis, se tenait à la Maix une foire importante. Chaque année, le jour de la Trinité, elle amenait des deux vallées une foule considérable. Le curé de Luvigny célébrait la messe dans la chapelle.

Un jour, de joyeux viveurs, en avance sur leur temps, se mirent à festoyer et à danser au lieu d’assister à l’office, malgré les appels réitérés de la cloche. Ils mettaient même une certaine affectation à tressauter et à jouer des jambes au son du violon, quand tout à coup, au moment où sonnait l’élévation, la terre s’entr’ouvrit avec un bruit épouvantable, et engloutit danseurs et ménétrier. Le gouffre ne se referma pas et fut envahi par les eaux. Ainsi naquit le lac de la Maix.

Aujourd’hui encore, quand, à pareil jour, la cloche annonce l’ élévation de la messe paroissiale, si vous penchiez votre oreille sur la rive, vous entendriez les malheureux s’agiter dans les ondes, aux accords d’un impitoyable crincrin.

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Source: Wikipédia / Wikipedia (2022)
Lieu: Lac de la Maix / Vexaincourt / Vosges / France

Un jour de pèlerinage, un musicien inconnu serait venu pour faire danser les villageois au son de son violon. Ceux-ci dansèrent si bien qu’ils n’ont pas entendu la cloche les invitant à l’office. Nul doute que cet étranger était le diable en personne. Le châtiment divin ne se fit pas attendre, la terre s’ouvrit sous les danseurs qui se noyèrent aussitôt dans le lac qui venait d’apparaître. Les villageois furent condamnés à y danser jusqu’au Jugement dernier…

Cependant, de nos jours, on dit que certains soirs on peut encore entendre le violoniste…

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Source: Pitz, Louis / Contes et légendes de Lorraine (1966) (4 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Lac de la Maix / Vexaincourt / Vosges / France

La chaîne des Vosges est parsemée dans toute son étendue de lacs nombreux et variés, blottis au creux d’étroites vallées, parfois suspendus au-dessus de précipices, toujours merveilleusement poétiques dans leur ceinture de roches et de sapins. Les gens du pays leur ont donné le nom de « mer », c’est-à-dire « la mare ». Mais, il ne faudrait pas croire qu’il s’agit là d’une expression péjorative car, dans la bouche de ces montagnards qui, pour la plupart, n’avaient jamais vu l’océan, ce terme imagé, impropre, correspond à une certaine vision du réel et prend figure d’éloge discret, mais sensible.

Certains lacs vosgiens sont universellement célèbres, comme ceux de Gérardmer, Longemer, Retournemer. Ils ont la majesté et la dignité sereines des rois. Les autres sont plus sauvages et plus âpres, comme le lac Noir et le lac Blanc, à la limite de l’Alsace. Les énormes rochers qui les dominent semblent les écraser de leur masse cyclopéenne tout en leur imprimant leur couleur. Ils ont la rudesse et la force des héros.

Le lac de la Maix est de beaucoup le plus modeste. Il a quelque chose de féminin, une grâce plus discrète, qui invite à la mélancolie et au recueillement. Dans la vallée de Celles, à côté de l’émeraude splendide du Donon, il semble une opale translucide, sur laquelle, en été, flottent les nénuphars, baisers oubliés des nymphes.

Comme les autres lacs vosgiens, le lac de la Maix date de l’époque glaciaire et c’est vraisemblablement à un glissement de terrain qu’il doit sa formation.

Mais l’imagination populaire lui a donné une origine beaucoup plus poétique et plus terrible.

Autrefois, à l’endroit où se trouve maintenant le lac, s’élevait une petite chapelle.

Un vieux moine nommé Regnier avait établi dans cette solitude montagnarde son ermitage. Cela se passait vers l’an 1070.

Bientôt, d’autres solitaires, fuyant les vanités du monde, étaient venus se joindre à lui, pour s’associer dans la prière et la contemplation. N’ayant pour témoins que les arbres et les montagnes, la petite communauté religieuse devint rapidement florissante.

Tous les ans, à l’occasion de la Fête-Dieu, un pèlerinage avait lieu autour de cet ermitage. Les gens y accouraient parfois de fort loin. Il en venait de Senones, de Saint-Dié, de Baccarat ; il en venait même d’Alsace, qui n’hésitaient pas à effectuer une longue marche à travers la montagne.

Mais en peu de temps, les intentions des moines et des pèlerins évoluèrent.

C’était plutôt pour s’amuser que pour prier que l’on se réunissait nombreux autour de la chapelle.

Pendant l’année, les moines négligeaient souvent leurs offices, bâclaient leurs prières et passaient la plus grande partie de leur temps en ripailles, beuveries et autres plaisirs grossiers. Ils donnaient l’exemple d’un scandaleux désordre dont les gens de bien s’indignaient.

Une année, le pèlerinage de la Fête-Dieu battait son plein. Les gens y étaient venus encore plus nombreux que les années précédentes.

Sous l’ombre fraîche des sapins, la mousse était tendre. Le soleil filtrait à travers les épaisses frondaisons.

Dans une clairière, un bal champêtre retenait la majorité des pèlerins. On dansait à perdre haleine, et tandis que les lourds sabots frappaient gaillardement le sol, les âmes étaient toutes à la joie et à cent lieues de la prière.

À quelques pas de la chapelle, des marchands s’étaient installés, présentant sur leurs éventaires des petits pains, des rafraîchissements et les objets les plus divers. On se serait plutôt cru à la foire qu’à un pèlerinage. Car tout le monde se pressait, s’amusait, riait.

Les plus âgés des pèlerins, ceux que leur âge empêchait de danser, s’étaient assis par groupes et, déballant leurs provisions, devisaient joyeusement, jouaient aux cartes, négociaient même l’achat ou la vente d’un veau, d’un bœuf, d’un cheval.

Tout ce peuple s’était rassemblé là comme pour une agréable partie de campagne. Et les moines, se mêlant à la foule, accroissaient encore le tumulte et le désordre.

Cependant, la cloche de la chapelle sonna l’office. Mais son tintement aigrelet ne parvint pas à dominer le bruit des musiciens et des danseurs, les cris et les rires.

Personne n’y prit garde.

Un vieux moine monta donc seul à l’autel. Un petit enfant de chœur le suivait et au fond de la chapelle n’était agenouillée qu’une vieille paysanne de Luvigny.

Au dehors, le vacarme joyeux redoublait. Personne ne songeait à se déranger pour assister à l’office. Les danseurs continuèrent à tourbillonner, les marchands firent des affaires d’or et les joueurs de cartes s’acharnaient à leurs parties.

C’est alors que la colère de Dieu s’abattit sur ce peuple indigne.

Au moment où le prêtre élevait l’hostie, il se produisit soudain un fracas épouvantable, mêlé à des hurlements de terreur.

En effet, la terre venait de s’entr’ouvrir ; une grande crevasse s’était formée, engloutissant tous ces faux pèlerins. Le gouffre béant fut aussitôt envahi par les eaux, qui s’y précipitèrent avec fureur et tous les danseurs furent transformés en poissons.

Le lac de la Maix était né.

Le pèlerinage de la Maix a encore lieu tous les ans pour la Fête-Dieu. Mais il se déroule maintenant dans des conditions vraiment religieuses. Et beaucoup de ceux qui le fréquentent régulièrement affirment que chaque année, au moment de l’élévation, on entend encore les appels désespérés des malheureux danseurs, accompagnés par les accords assourdis d’une musique diabolique.

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Source: Wetterlé, Émile (abbé) / Notre Alsace, notre Lorraine (1919) (moins d'1 minute)
Contributeur: Fabien
Lieu: Lac de la Maix / Vexaincourt / Vosges / France

Penchez votre oreille vers le lac de la Maix, au milieu des Vosges. Vous y entendrez peut-être des cloches sonner, lentes et poignantes.

Un matin du jour où l'on célèbre la Saint-Jean d'été, un ménétrier fit halte devant un groupe d'hommes et de femmes conversant dans une belle prairie qui s'étendait à l'entrée du village, au pied des montagnes. Sur son violon, il joua un air de danse si brusque et si doux que les jeunes, puis les vieux, se mirent à danser. Le premier coup de la messe sonna, et la danse ne s'interrompit pas. Le second coup sonna encore, puis le dernier, si douloureusement et toujours en vain. Soudain retentit un formidable coup de tonnerre qui ne venait pas du ciel. Le sol s'effondra. Une nappe d'eau montait, bouillonnante, à la place de la prairie.

C'est le lac que voilà, lac sans fond. Les pêcheurs connaissent, pour les avoir manquées souvent, deux énormes truites, toutes moussues, dont l'une a sur le dos l'image d'un violon et l'autre d'une cloche.


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