La légende de Saint Arnoul, saint patron des brasseurs lorrains [Saint-Étienne-lès-Remiremont, Charmes (Vosges)]

Publié le 5 décembre 2024 Thématiques: Accueil , Bière , Evèque , Légende chrétienne , Miracle , Multiplication , Prière , Saint Arnoult , Saint | Sainte ,

La Translation des reliques de saint Arnould
La Translation des reliques de saint Arnould. Source Jean Baptiste de Champaigne, Public domain, via Wikimedia Commons
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Source: Pitz, Louis / Contes et légendes de Lorraine (1966) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Ancien château de Charmes / Charmes / Vosges / France
Lieu: Abbaye du Saint-Mont / Saint-Étienne-lès-Remiremont / Vosges / France

Si la Bourgogne et le Bordelais s’enorgueillissent à juste titre de leurs grands crus, la Lorraine est la patrie de la bière. Son tempérament réfléchi, sérieux, ennemi du bavardage inutile, s’accommode parfaitement de cette boisson plus sage, qui rafraîchit et désaltère pendant les jours de canicule, sans jamais énerver. Cette spécialité régionale, réputée dans toute la France, la Lorraine la doit à Saint Arnould, patron des brasseurs.

Cependant, rien au préalable ne destinait ce Saint à présider à la fabrication du délicieux breuvage doré. Rien dans sa vie qui laissât seulement supposer un rapport quelconque entre Saint Arnould et les antiques brasseurs de cervoise.

En effet, Saint Arnould était né à Lay-Saint-Christophe, en 582. Il descendait d’une ancienne famille de leudes, c’est-à-dire de hauts dignitaires de la cour d’Austrasie. Il devint le premier ministre du roi Clotaire II, puis resta en fonction sous son successeur Dagobert, popularisé par la fameuse chanson que chacun sait. Saint Arnould se fit remarquer par une sage administration des affaires publiques d’Austrasie et une parfaite justice à l’égard du peuple.

Cédant aux supplications pressantes de toute la population de Metz, il devint évêque de cette ville en 614, tout en continuant à s’occuper des intérêts du royaume.

Mais avec l’âge, il se sentit irrésistiblement attiré vers la vie monastique et, malgré les avis de Dagobert, qui ne tenait pas à se séparer d’un ministre aussi précieux, Saint Arnould se retira bientôt auprès de Saint Romaric, le fondateur de Remiremont dans les Vosges, où il avait créé deux monastères fameux sur le Saint-Mont. C’est là que Saint Arnould mourut, après une vieillesse passée entièrement dans l’austérité, le jeûne et la prière.

Cependant, après sa mort, les gens de Metz décidèrent de transporter ses restes dans leur ville, afin de donner à leur évêque vénéré une sépulture digne de lui, à côté de Saint Clément.

Gaëric, son successeur à la tête de l’évêché de Metz, les évêques de Toul et de Verdun, un grand nombre d’ecclésiastiques et une foule très nombreuse vinrent en procession à Remiremont chercher solennellement les reliques du Saint.

Après de grandioses cérémonies à l’abbaye du Saint-Mont, les restes de Saint Arnould furent retirés du sarcophage de pierre où ils reposaient et placés dans une châsse couverte d’or et de pierreries.

Puis le cortège reprit la route de Metz.

À la nuit tombante, la procession fit halte auprès du village de Charmes, à mi-chemin environ entre Épinal et Nancy.

L’évêque de Metz alla frapper à la porte du seigneur du lieu, un nommé Nothon, qui le reçut avec beaucoup d’empressement.

— Hélas ! lui dit-il, je peux bien vous offrir un abri pour passer la nuit, dans les dépendances de mon domaine. Je peux aussi vous donner à tous de quoi manger. Mais je n’ai rien à vous proposer à boire. Il ne me reste qu’un petit baril de mauvaise cervoise…

L’évêque remercia le seigneur de son hospitalité, et fit entrer ses gens dans la cour du château, où l’on prépara en hâte un repas.

Mais tous ces hommes avaient marché pendant une longue journée. En route, ils n’avaient pas cessé de chanter des hymnes et des cantiques à la gloire du Saint dont ils transportaient les précieux restes. Leurs gosiers étaient donc particulièrement altérés, et ne leur offrir que de l’eau claire était indigne d’eux.

L’évêque de Metz était bien embarrassé. Que faire ?

L’évêque de Verdun eut une idée : il se rappela le miracle du tonneau de Saint Airy qui, en une circonstance à peu près semblable, avait désaltéré un peuple entier. Il se concerta aussitôt avec ses collègues de Metz et de Toul. Ensemble, ils décidèrent de prier pour l’intercession de Saint Arnould.

On transporta l’unique baril de cervoise auprès de la châsse du Saint, et tous les assistants se recueillirent.

Alors, ô prodige, le petit fut se révéla, lui aussi, intarissable ! Et tous burent à satiété un breuvage qui avait une saveur encore plus rafraîchissante. En effet, à l’orge, Saint Arnould venait de mêler harmonieusement le houblon, cette plante amère, qui transforma complètement l’aigre cervoise que fabriquaient les Gaulois et les Francs.

C’est pourquoi, en souvenir de ce grand bienfait, les travailleurs de toutes les brasseries de Lorraine adoptèrent Saint Arnould pour leur patron.


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