Un jeune domestique de Vannes alla un soir prendre de l’eau à la pompe publique avec deux cruches. Il aperçut les gens du sabbat danser sur la place et reconnut parmi eux sa fiancée.
Il laissa ses cruches près de la pompe et courut danser près de sa fiancée. Celle-ci lui dit :
– Tu es venu avec nous, mais nous ne sommes plus à Vannes, mais bien à Nantes.
– A Nantes ? dit il tout effrayé.
– Oui, dit-elle, et ne néglige pas de demander à aller d’où tu es venu, lorsqu'on nous demandera : Où allons-nous?
– Mais, dit-il, puisque je suis à Nantes, ne pourrais-je pas aller chez le frère de mon patron, pour avoir une attestation de lui constatant que j’ai été entraîné jusqu ici.
– Oui, dit-elle, mais ne tarde pas, car nous pourrions partir sans t’attendre, et tu resterais là.
Il courut donc chez ses amis, leur demanda leur attestation, et rentra aussitôt dans la danse. Il était temps, car une seconde après, l'un d entre eux demanda :
– Où allons-nous?
– D'où nous venons, répondirent-ils en chœur. Et, aussitôt, ils se trouvèrent sur la place de Vannes.
Le domestique courut à la pompe, où il retrouva ses cruches, et à la maison, où il pensait trouver ses maîtres couchés. Grande fut sa stupéfaction de les voir encore à table ? il se fondit en excuses pour être resté si longtemps à prendre de l’eau et avoir été à Nantes.
– A Nantes? dit son patron, vous êtes fou ; il n’y a pas cinq minutes que vous avez quitté la maison.
Le domestique lui fit voir alors le certificat de son frère, signé quelques secondes plus tôt, et il dut se rendre à l’évidence et reconnaître que son domestique avait bien été à Nantes, et cela en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.