Gudule passait de longues heures en prières. Plongée dans une contemplation sans fin, accroupie, murmurante, elle repassait tout bas ses oraisons qu'elle adressait au ciel. Dans la chapelle du château [de Ham], elle restait des journées entières abîmée dans des songeries évocatrices des hauts faits de la vie des saints et des saintes. Pourtant, elle préférait de beaucoup se rendre à la chapelle de Saint-Sauveur au village de Moortsele, la nuit surtout.
Par une triste soirée d'hiver, elle y alla, précédée d'une servante qui portait une lanterne allumée.
Soudain, la lumière s'éteignit et un rire sarcastique troubla le silence. C'était le diable qui, voulant troubler les pieux pèlerinages de Gudule, avait soufflé la chandelle de la lanterne.
La servante tomba à genoux; les rires du démon, qui s'amusait énormément, redoublèrent. Gudule, un instant effrayée, joignit les mains, les leva au ciel et s'écria:
– Seigneur, faites que le malin s'ôte de ma présence.
Puis tombant à genoux à son tour, elle fit une prière à Dieu, lui demandant... de rallumer sa lanterne, afin qu'elle pût continuer sa route, car, en vérité, on n'y pouvait voir clair.
Sur ce, on entendit un grand bruit : c'était Belzébuth qui fuyait en gémissant, car une lumineuse clarté descendait d'en haut, et un ange, dans cette pâle lumière d'or, rallumait la chandelle. Puis il disparut, abandonnant derrière lui un léger parfum d'encens.
Gudule put ainsi aller faire ses oraisons, et le diable, jamais, ne tenta plus d'approcher d'elle...
Gudule fut donc une sainte et bonne femme. Durant toute sa vie, elle soulagea la misère d'autrui, aimant les pauvres, les consolant dans leur affliction, les encourageant dans le malheur, les secourant dans la détresse. Elle était humble, elle était charitable. Elle portait elle-même des provisions à ceux qui avaient faim, des vêtements à ceux qui couraient nus par les routes, des remèdes à ceux qui gisaient malades sur un misérable grabat, des consolations à tous. Et le monde l'aimait, la vénérait.
Ainsi s'écoula sa vie.
Elle trépassa le 8 janvier de l'an de N.-S. 712, en son château de Ham, où elle fut inhumée.
Au temps de Charlemagne, son corps fut transféré en l'église de Saint-Sauveur à Mortsele.