La légende de la transformation de Plan Nevé [Bex (Canton de Vaud / Suisse)]

Publié le 5 novembre 2023 Thématiques: Alpage , Berger , Destruction , Fée , Fête , Malédiction , Mauvais accueil , Neige , Punition ,

Glacier de Plan Nevé
Glacier de Plan Nevé. Source Mapio.net
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Source: Cérésole, Alfred / Légendes des Alpes vaudoises (1885) (2 minutes)
Lieu: Glacier Plan Névé / Bex / Canton de Vaud / Suisse

A l'endroit où se trouve actuellement le glacier de Plan-Névé, c'est-à-dire au nord du Grand Muveran, existait autrefois [...], racontent les vieillards de la contrée, un magnifique pâturage. La montagne était si belle et si fertile, les vachers dans une telle prospérité qu'ils jouaient aux palets avec des tommes de chèvre, et aux quilles avec des têtes de beurre, en guise de boules.

Quelle a été la cause d'un si grand changement? Voici ce que raconte une tradition très populaire, qui a inspiré à l'un de nos poètes vaudois, trop tôt enlevé par la mort, le sujet d'une de ses compositions les mieux réussies.

Un soir que la tempête menaçait dans la montagne, se présente, à la porte du chalet de Plan-Névé, une femme à l'aspect pauvre et ridé. D'un ton digne d'exciter la compassion, elle supplie les vachers de l'héberger pour la nuit et de lui donner ona crota, c'est-à-dire une croûte de pain avec un peu de beurre. Ceux-ci, bien que dans l'abondance, hommes sans cœur s'il y en eut jamais, gens durs et grossiers, lui répondent qu'ils n'ont rien pour elle et qu'elle n'a qu'à détaler le plus tôt possible.

La pauvre vieille - ou plutôt la fée de la montagne aussi furieuse que froissée, sort en silence du chalet inhospitalier; puis, à quelque distance, se retourne et, regardant le pâturage d'un cœil terrible et prophétique, profére cette malédiction:
« Balla pllanna! Pllan Névé! jamé terreina te ne te reverré! » (Belle plaine! Plan-Névé ! jamais je ne te reverrai terrain!)

Ou selon d'autres : « Plan Névé té, et Plan Névé té saré! jamais té ne té réterrennéré. » (Plan-Névé tu es et Plan-Névé tu seras, jamais tu ne redeviendras terrain).

Aussitôt, un orage épouvantable de neige, de grêle et de vent en furie se précipite sur cette belle montagne et la recouvre en quelques instants d'un linceul de glace qui, pendant de longues années, n'a été qu'en s'épaississant.

Aujourd'hui le glacier diminue, et ce qui donne quelque apparence de vérité à l'opinion que ces lieux formaient jadis un pâturage, c'est que, entre autres, en 1822, année chaude et très précoce, des chasseurs de chamois et de marmottes racontaient y avoir vu à découvert, dans les éboulis de pierre et de glace, la voûte d'un vieux pont, destiné sans doute à faciliter l'accès de la montagne. On prétend même que ce pont se découvrirait tous les sept ans. En outre, dans les moraines, au pied des parois des Cuvertellets, on doit avoir trouvé, il y a quelques années, une chaîne en fer au moyen de laquelle on attache le bétail, et qui aurait été charriée par le glacier. D'autre part, M. Philippe Marlétaz des Plans, le guide bien connu que je consultais sur ce point, m'a répondu, en octobre 1881, ce qui suit : « Pour mon compte, voici ce que j'ai observé et découvert : Il y a deux ans, un orage a éclaté du côté de la Tête à Pierre Grept et du glacier de Plan-Névé. Par suite de l'accumulation des eaux, le torrent avait tellement grossi que le terrain qui forme son lit avait été rongé à une profondeur de trois mètres, en mettant à découvert des poutres et d'assez gros rondins; ce qui prouve bien, ajoutait-il, que dans les anciens temps il y avait des habitations ou des forêts dans ces hautes régions.

Quoi qu'il en soit la légende existe et subsistera au vallon des Plans, comme aux alentours, aussi longtemps que des êtres humains y habiteront.

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Source: Durand, Henri / None (1885) (2 minutes)
Lieu: Glacier Plan Névé / Bex / Canton de Vaud / Suisse

Les troupeaux sont rentrés ; le vacher, devant l'âtre,
Plonge ses bras nerveux dans le lait écumant;
Et ranimant le feu sous la cendre grisâtre,
Joyeux, il voit son lait déborder aujourd'hui
De ce vase qu'hier il vit déjà rempli.

Cependant une voix s'élève sur la porte :
« Bon maître, accordez-moi votre hospitalité !
Pour une femme, hélas ! la tempête est trop forte;
Bien traître est le sentier dans cette obscurité ;
Sous l'orage déjà la montagne s'agite,
Bon Dieu!.. jusqu'à demain veuillez me donner gîte ! »

Une vieille, courbée, au seuil tenant sa main,
Faible, implore un appui sur ces hauteurs funèbres.
« Quoi?.. mendier ici? va, va, suis ton chemin !
Les oiseaux tels que toi craignent peu les ténèbres... »
Et le cruel, tandis qu'un morne éclair reluit,
D'un geste montre, hélas! le désert et la nuit.

– O maître, ayaez pitié ! la fatigue de l'âge...
– Va, va, suis ton chemin ! pourquoi partir si tard ?
Tu devrais bien prévoir la nuit, même l'orage.
– L'aurore, bon seigneur, éclaira mon départ;
– J'ai marché tout le jour; mon Dieu ! je suis si vieille !
– Va, dis-je, et garde-toi de lasser mon oreille.

La pauvre suppliante s'éloigne navrée, méditant en son cœur une terrible vengeance :

D'un pas qui n'avait rien des faiblesses de l'âge
Elle gravit les rocs loin du sentier battu ;
Et, se perdant enfin dans la nuit et l'orage,
On l'eût dite emportée au sein du tourbillon
Où la foudre traçait son rapide sillon.

Mais bientôt, au milieu d'une lumière étrange,
Elle apparaît encor sur un roc élevé ;
Tout autour du sommet le nuage se range
Et dévoile à ses pieds le cruel Plan-Névé.
Alors, la vieille femme élevant sur sa tête
Son vieux manteau qui flotte au vent de la tempête,

Etendant ses deux bras sur le mont découvert,
Mêle une voix terrible au tonnerre qui passe :
« Plan-Névé! Plan-Névé ! désormais un désert
Va recouvrir ton front d'une stérile glace;
Désormais tes chalets jamais ne verront plus
Le peuple des bergers à mi-été venus ;

Plan-Névé! désormais à tes frais pâturages
Nul troupeau ne viendra; Plan-Névé! Plan-Névé !....... »

Et chaque mot porté sur l'aile des orages
Etait jusqu'aux chalets en fracas arrivé ;
La génisse mugit en ouvrant sa narine
Et le pâtre sentit frissonner sa poitrine.

Alors on entendit un bruit épouvantable;
La montagne mugit jusqu'en son fondement :
Avalanches, torrents, tempête, éclats de foudre....
On eût dit le fracas d'un monde mis en poudre.

Insondable, la nuit planait sur ces terreurs.
Mais quand la fraîche aurore apparut sur les cimes,
Plan-Névé ! Plan-Névé! d'une nuit que d'horreurs !
Vallon qui s'inclinait sur le bord des abîmes,
Pâturages herbeux, chalets, riches troupeaux...
Le glacier couvrait tout de son morne repos.


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