C'était au commencement du XVIIe siècle.
On venait de bâtir l’église de Baume.
Il n ’y avait encore dans l’intérieur du monument que le maître-autel et la chaire à prêcher. En face de cette chaire, on n ’avait pu mettre provisoirement qu’un très petit christ en plâtre, grossièrement moulé.
Les ressources de la fabrique et celles de la commune étaient épuisées, et l’on attendait en vain de la libéralité des âmes pieuses l’argent nécessaire pour acheter un grand crucifix. Un jeune homme d’une figure angélique, se présente un matin devant les autorités de la paroisse et leur propose d’exécuter sans frais, en trois jours, un christ monumental, digne de figurer avantageusement en face de la chaire à prêcher. Il ne demande pour cet ouvrage qu’un morceau de bois, qu’on lui procure aussitôt, et il exige qu’on l’enferme avec du pain et de l’eau dans la maison la plus voisine de l’église, pour y exécuter son travail. Sans trop s’informer du nom de ce jeune artiste et sans lui demander de quel pays il arrive, on accepte sa proposition et on l'installe dans un appartement de la maison la plus proche de l’église.
On l'y enferme avec une cruche d’eau pure et une miche de pain bénit.
Au bout de trois jours, on ouvre la porte de l’atelier, où d’ailleurs aucun bruit ne s’était fait entendre. On est surpris de ne pas y retrouver le jeune artiste. La cruche d’eau est encore pleine et la miche de pain bénit n’avait pas été entamée. Sur la table où le morceau de bois brut avait été déposé, on voit avec admiration un christ de grandeur naturelle, parfaitement modelé, dont les bras étendus ne faisaient qu'une seule pièce avec le corps. Comment l'artiste a-t-il pu s'y prendre pour opérer ce travail, n'ayant reçu qu'un morceau de bois d'une seule venue? Ce fait inexplicable, joint à la circonstance non moins extraordinaire de la disparition du jeune ouvrier, fit croire qu'un ange était venu du ciel pour doter l'église de Baume du grand crucifix qu'elle possède encore. La tradition ajoute que dans un temps de guerre ou de révolution, alors que l'on dut soustraire cette vénérable image à la profanation des impies, on fut obligé de l'enfermer dans un sépulcre et de scier, à cette fin, les deux bras du christ qui aujourd'hui n'adhèrent plus au corps.