La cloche de Clastres, canton de Saint-Simon, [n'avait pas été heureuse] dans l'accomplissement de son devoir. Aussi lui en arriva-t-il malheur et sa réputation fut gravement compromise. Car loin de nuire aux voleurs, elle avait favorisé par ses avertissements des pillards et de assassins de la pire espèce. On prit donc le parti de l'en punir en lui interdisant désormais de sonner dans la circonstance la plus solennelle de l'année. Car d'après un veil usage encore usité en Picardie, on sonne les cloches dans certaines paroisses au moment de l'élévation. Mais à Clastres il est expressément défendu de les sonner le saint jour de Pâques. En voici la raison :

La tradition locale rapporte en effet qu'un certain jour de Pâques des voleurs s'introduisirent dans le Château de ce village pendant que toute la maison seigneuriale, maitres et serviteurs, était allée célébrer à la grande messe la glorieuse résurrection du Christ. Pour être plus libres dans leur larcin, ces malfaiteurs avaient égorgé le seul domestique qui était resté au château. Après la perpétration de ce crime, ils purent piller à leur aise pendant toute la durée de l'office. Cependant l'un de ces assassins estimait qu'il fallait se hâter de partir, parce que l'heure de la sortie de l'eglise approchait. En ce moment la cloche sonna, annonçant le moment solennel de l'élévation. Les voleurs bien renseignés par ce fait surent qu'ils avaient tout le temps nécessaire pour achever leur coupable besogne. Grâce à cette indication ils purent s'éloigner sans être inquiétés ni même soupçonnés; depuis cette époque on ne sonne plus les cloches à Clastres au moment où le prêtre élève l'hostie et l'offre à l'adoration des fidèles pendant la grand'messe de Pâques.