De toutes les légendes, en effet, que nous avons rapportées sur le château de Coucy, une des merveilles de la féodalité; nous n'en connaissons pas de plus corte et avenante, comme on disait autrefois, que celle du Rempart fleuri.
On rapporte donc qu'un jeune pâtre de Verneuil, petit village voisin de Coucy, s'étant dirigé vers le pied de la montagne où était située la formidable forteresse, y aperçoit tout à coup une fleur merveilleusement belle, et comme il n'en avait jamais vu; il s'en approche et la détache avec précaution de sa tige et l'attache à son chapeau, dans le dessein de l'offrir à sa fiancée. Mais à l'instant il se sentit enlevé par une puissance surnaturelle et il se trouva transporté, comme par enchantement, sur le rempart du château, près de la tour du roi. La porte de cette tour étant ouverte, la curiosité le porta à y entrer, et il en vit le sol couvert de petites pièces brillantes dont il se mit sans façon à emplir son chapeau; la récolte faite, il sortit ; mais au moment où il atteignait le seuil de la porte, il entendit derrière lui une voix qui lui criait : Tu laisses ce qu'il y a de meilleur.
Le pâtre ne comprenant rien à ces paroles, continua de descendre le rempart sans se retourner, rejoignit son troupeau et, voulant remettre son chapeau sur sa tête, en vida toutes les petites pièces dans ses poches. Il s'aperçut alors qu'il avait perdu la fleur merveilleuse. Qu'as-tu fait de la fleur que tu avais trouvée, lui dit en ce moment la voix qu'il avait déjà entendue? Elle est sans doute tombée sur le rempart, répondit le pâtre tout tremblant. Tu as perdu la clef du trésor du château, reprit la voix. Tu t'es montré aussi ingrat qu'oublieux, tu ne retrouveras jamais pareil talisman.
Le jeune homme s'empressa en vain de retourner sur ses pas pour la recouvrir. Il lui fut impossible de franchir le rempart; et de retour à Verneuil, il s'aperçut avec la plus grande surprise, mais non sans un vif contentement, que toutes les petites pièces dont il avait rempli ses poches, s'y étaient transformées en autant de pièces d'or frappées au bon coin.
