La légende de la vision de Baudoin en forêt de Retz [Villers-Cotterêts (Aisne)]

Publié le 10 février 2024 Thématiques: Disparition , Foret , Moine , Nuit , Signe de croix , Trésor , Vision ,

Château éclairé dans la forêt
Château éclairé dans la forêt. Source Dall-E 3
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Source: Poquet, Alexandre / Les légendes historiques du département de l'Aisne (1879) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Forêt de Retz / Villers-Cotterêts / Aisne / France

Vers 1237, raconte encore l'historien du Valois, un ecclésiastique nommé Baudoin, ancien recteur de l'Université de Paris, se rendant de Saint-Quentin à Dijon, prit sa route par Verberie où il s'arrêta avec le valet qui l'accompagnait. Etant parti le lendemain, il s'engagea sur le soir dans la forêt de Retz (Villers-Cotterêts) où il s'égara. La nuit, qui était fort obscure, l'ayant surpris en plein bois et ne trouvant aucun moyen de reconnaître son chemin, il ordonna à son domestique de monter sur un arbre, afin de voir s'il ne découvrirait pas, dans le lointain, une lumière annonçant un lieu habité.

Le valet obéit et, parvenu au sommet de l'arbre, il aperçut au loin une clarté. Il s'orienta avec beaucoup de soin et descendit. Comme il était à pied et son maître à cheval, s'étant tracé une ligne de direction, il se mit à fendre avec beaucoup de résolution les broussailles et le mort-bois pour se frayer un passage pour lui et le cavalier jusqu'au terme où il espérait arriver.

Après des fatigues inouies, nos voyageurs aperçurent enfin, à travers les ténèbres, un vaste corps de logis qui avait les apparences d'un château. Ils frappèrent à la porte et aussitôt parut un moine en habit blanc auquel ils demandèrent humblement l'hospitalité. Le religieux leur répondit qu'il allait prendre les ordres du père abbé et referma la porte.

Bientôt l'abbé parut en personne, il reçut Baudoin et son compagnon avec une extrême politesse et les conduisit dans une vaste salle où se trouvaient tous les religieux, prêts à prendre leur repas. Le supérieur plaça Baudoin à la place la plus honorable et lui fit servir des rafraîchissements abondants. On lui présenta à boire dans une coupe en vermeil, enrichie de diamants. Mais le voyageur, avant de commencer son repas, ayant jeté les yeux sur l'assemblée, s'aperçut que les moines s'étaient tous mis à table, sans s'acquitter d'un devoir religieux dont les laïcs ne se dispensaient pas alors.

Baudoin, loin de les imiter, prît sa coupe d'une main et de l'autre fit le signe de la croix. Cette pieuse pratique était à peine terminée que la salle avec tout ce qu'elle contenait, l'abbé, les moines, les tables et même les vastes bâtiments du couvent disparut sans laisser aucune trace; et Baudoin avec son domestique et son cheval se retrouvaient le lendemain au milieu des ronces, tenant toujours sa coupe à la main. Baudoin se retira de son buisson d'épines et attendit dans un endroit plus commode le retour du jour pour continuer sa route. On ajoute pour compléter ce récit que le vase qu'il avait reçu, vase d'un travail exquis et cloisonné de perles, fut vendu par lui une grande somme d'argent qu'il partagea entre deux communautés religieuses, l'une de Saint-Quentin, et l'autre de Dijon.

Ce qu'il faut penser de tout ceci, dit Carlier, c'est que Baudoin, s'étant égaré dans la forêt de Villers-Cotterêts, fut pris de sommeil dans un endroit qu'il avait choisi pour se reposer et que pendant son repos il eût une vision. Peut-être tenta-t-il d'accréditer cette fable de peur qu'on ne l'obligea à rendre une coupe précieuse qu'il avait trouvée. Cette explication nous paraît pas trop prosaïque. Nous préférons donc de beaucoup la légende avec son idéal romanesque. D'autant plus que nous accueillons avec avec un égal plaisir la tradition qui s'est conservée dans un village des environs de Laon, d'un sire de Douglas, ancien seigneur d'Arrancy, dont le fantôme apparaissait jadis à minuit dans un carrefour du bois. Bien que ce souvenir n'ait rien de précis, on dit cependant qu'une vieille femme du pays endormait ses enfants avec une complainte sur ces apparitions nocturnes. On doit sans doute plus regretter ce chant populaire qui doit être curieux, dit notre savant ami M. Ed. Fleury à qui nous devons cette anecdote, que la relation sur laquelle il repose.


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