La legende de la Dame Blanche de Vertbruche [La Bresse (Vosges)]

Publié le 12 janvier 2023 Thématiques: Dame blanche , Disparition , Minuit , Nuit ,

Une dame blanche
Une dame blanche. Source Wonder (IA)
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Source: Inconnu / Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne (1884) (4 minutes)
Lieu: Intersection de la Vertbruche / La Bresse / Vosges / France
Lieu: Pont de la Haule / La Bresse / Vosges / France

C'est la chose la plus sûre Que je vais mettre en chanson. Mais pour bien la déduire Trouverai-je le bon fil de l'écheveau ? Avec cela que l'échevette Est difficile à dévider, L'étoupe est encore délicate Et dangereuse à manier.

Je parle de la Femme-Blanche Qui circule dans la nuit, Et qui fut vue par deux hommes Pas crédules ni peureux; Oui, à loisir regardée De leurs yeux bien ouverts, Chicanée et malmenée Presque plus que cela ne se devait.

La terre git endormie Dans son blanc manteau d'hiver. L'étoile du berger penche Sur le bord du ciel bleu.

Dans le rond miroir de la lune On voit sourire Gossa. [visage semblant se dessiner dans la lune] Plus d'autre bruit que la rivière qui gronde; Il est minuit passé.

Deux garçons de Vologne peu sages Et trop souvent attardés, Sortent seulement du village Où ils ont été faire la veillée. En venant au Pont-de-la-Haule, Ils voient quelque chose au milieu. Est-ce quelque chose de bien réel ? De sûr ça les attend.

Pour juger l'apparence Et démêler le vrai, L'un ni l'autre ne balance Au but ils vont d'un trait. Plantés (vers) devant elle, Ils se demandent un certain temps Si elle est du Diable ou de Dieu, Quelque chose de mort ou de vivant.

Qu'elle soit une femme toute faite, Cela sans hésitation se voit De quelle étoffe ou de quelle pâte ? Ils ne pourront jamais le savoir.

Chair plus blanche que de la craie, Dure et froide comme un glaçon  Nez pointu bouche serrée ; Yeux morts, baissés sur le sol.

Pour tout vêtement une longue chemise; Tête nue et pieds déchaux; Sur la neige, par la bise; On suppose qu'elle n'a pas chaud. Mais que le froid la fasse Seulement grelotter Qu'elle soit souffrante, qu'elle se plaigne; Il ne parait signe de cela.

Ils sont maîtres un bon espace de temps De la regarder beaucoup, Jusque à tant qu'elle commence A se mouvoir tout doucement. Sa mine douce et presque triste Leur fait oublier Que de toute personne déguisée Il faut toujours se défier.

Juste elle prend (son chemin) vers leur basse. " Comment dit le plus joyeux, " Une aussi belle fille " S'en retournerait sans meneur ! "

Et sans plus de retenue Ils vont lui présenter, Comme à une femme peu honnête, Le bras de chaque côté.

Pas plus tôt approchée Qu'elle prend ses précautions  Et pas plus tôt touchée Qu'elle s'est droite et roide arrêtée.  Par quel moyen qu'ils tâchent  De la remuer d'un point, Si fort qu'ils la tirent et la poussent, Cela ne fait ni plus ni moins.

Pressé d'une rude envie D'y voir un peu plus clair, Il y en a un qui s'enhardit A lui serrer un bras. L'autre la pince de manière A lui soulever les nerfs Elle n'en fait pas plus de semblant Qu'une statue de marbre ou de fer.

« Il faut croire que la belle « Est gelée sur la place, « Ou qu'elle n'a guère de savoir faire « Pour se débarrasser de nos jeux.

« Toujours (est-il) que nous sommes des bêtes « De prétendre faire changer (d'avis et de manière d'agir) « Une femme qui a dans sa tête « De ne vouloir rien écouter. »

« C'est vrai qu'elle résiste « On peut ne pas être surpris « Mais pour qu'elle se taise, « Il faut que Dieu l'ait écrit. « Le corps roide; les lèvres fermées; « Grande, étroite, et point de poitrine apparente « On penserait qu'elle est sorcière, « Ou bien que c'est un revenant. »

« Mais cessons maintenant de rire ! « Si ce n'est pas le Diable qui te tient, « Rien ne t'empêche de nous dire « De quelle tache (lieu) tu viens; « Et puis, par quel mauvais caprice « Tu peux sortir ainsi « Presque toute nue déshabillée « Dans la neige à ces heures-ci. »

« Es-tu une personne embrouillée « Pour prendre les choses trop fort (à la rigueur)? « Une pauvre veuve délaissée « Qui ne pense plus qu'à ses morts ?...

« Serais-tu une sainte âme en peine « Envoyée par le bon Dieu « Pour remettre dans de bons sentiments « Quelque proche parent en deuil ? »

« Viens-tu réclamer des messes « Pour être délivrée tout de suite ?  « Rappeler quelque promesse « Que tu as reçue en mourant ? « On voit que tu n'es pas mauvaise ; « Parle et dis la vérité, « Sûre que nous serions bien aises « De pouvoir t'assister. »

Discours prodigués en vain, peines perdues ! Elle ne les entend déjà pas. Sans seulement tourner les yeux Elle se remet en chemin. Eux, qui ne sont pas de ceux qui craignent Les errants paisibles, A marcher aussi se remettent A côté d'elle un bon bout.

S'ils la touchent, elle s'arrête S'ils la relâchent, elle repart; Mais elle ne va pas en grande hâte; Toujours un beau petit pas.

Après avoir fait mine De prendre par la Pont-du-Void, Plus outre en amont elle chemine Jusque vis-à-vis la Meix.

Là, de la Vert'Bruche Ils entendent sortir trois cris plaintifs C'est un esprit qui l'appelle Elle s'en va en s'évanouissant.  La fête ainsi finie, De l'épouvante qu'ils en ont, Ils restent une bonne menée (moment) Les pieds cloués au sol.

Ma chanson est achevée. Nous laisserons nos gaillards, L'âme presque plus morte que vive Tirer (pousser) jusqu'au logis. Et pour ce que c'est de les croire Sur cette aventure-là, Il suffit que d'une foi sincère Ils l'ont toujours contée.


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