Sous le règne de Frédérik III, lorsque Copenhague fut longuement assiégée par les Suédois et que la Séelande fut tombée en leur pouvoir, à Boeslunde vivait un curé nommé Iochum, qui était fort considéré et fort honoré par ses ouailles. Les ennemis fréquentaient particulièrement sa maison et pour éviter des représailles terribles, il se montrait fort prévenant vis-à-vis d'eux.
Cependant comme en temps de guerre c'est au plus fort qu'appartient le droit, le curé s'aperçut bien vite que ses hôtes, non contents de boire et de manger ses vivres, emportaient l'argenterie qui venait de leur servir et toutes les choses de quelque valeur, qui étaient disposées sur sa table.
Le Curé ne parût pas se rendre compte de ces larcins et fournit d'autre vaisselle sans jamais se plaindre au roi, Charles Gustaf, auquel il parlait souvent et auquel il rendait hommage de la conduite des Suédois. Les choses se passèrent ainsi jusqu'à un certain jour où le prêtre fut prié à dîner chez le roi. Le repas terminé le curé saisit sa cuillère, sa fourchette et son couteau d'argent et les introduisit dans sa poche devant les regards étonnés de l'assistance. On se leva de table et le curé se prépara à partir sans paraître désireux de restituer ce qu'il venait de prendre. On lui fit alors remarquer la singularité de ce procédé. Comment, dit simplement le curé, n'est-ce-pas ainsi qu'on a l'usage de faire en Suède? En répondant négativement on parut s'étonner de la naïveté de sa question. Vraiment, ajouta notre curé, comme les Suédois ont toujours agi de la sorte chez moi, j'avais pensé que c'était une coutume de votre pays.
Ainsi furent découverts les vols, sans que le curé pût en être considéré comme le dénonciateur et le roi fit rendre au prêtre son argenterie sans délai.