La légende du soldat rescapé du Mornas [Mornas (Vaucluse)]

Publié le 10 juin 2024 Thématiques: Arbre , Attaque , Château , Légende historique , Mort , Noblesse , Pierre | Roche , Sauvetage , Soldat ,

Forteresse de Mornas
Forteresse de Mornas. Source jean-louis Zimmermann, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons
ajouter aux favoris Ajouter une alerte en cas de modification augmenter la taille du texte reduire la taille du texte
Source: Balleydier, Alphonse / Les Bords du Rhône de Lyon à la mer: chroniques, légendes (1843) (2 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Forteresse de Mornas / Mornas / Vaucluse / France

Ville importante autrefois, conservant encore aujourd'hui le signe, le cachet de la domination romaine, le village de Mornas se trouve entre deux collines au pied de l'église qui donne la main, pour ainsi dire, aux restes d'un vieux château-fort.

De tout temps, chez toutes les nations catholiques, l'église a été la sœur et la voisine du château.

Dans les ruines de cet immense château-fort, j'ai retrouvé un nom d'homme, un nom sanglant, que les oiseaux de mauvais augure répètent la nuit, dit-on, lorsque le malheur est proche.

En pensant à cet homme, j'ai mesuré du regard la hauteur des rochers de Mornas; alors un souvenir affreux est venu me glacer le cœur, un voile a passé devant mes yeux, je n'ai plus rien vu...... que du sang, je crois, au pied de ces rochers.

Il se trouvait dans ce temps-là, en Dauphiné, un homme sans croyance aucune, religionnaire par intérêt; car, plus tard, après s'être fait le persécuteur en chef de l'église catholique, après avoir inventé des supplices pour les appliquer aux défenseurs de cette religion, il devint catholique lui-même, ardent religieux, fervent dévot, disant matines et vêpres, allant à la messe avec ses enfants, parmi lesquels se trouvait bien et dûment baptisé le filleul de Calvin.

Hardi, vaillant et expérimenté, capitaine vigilant, infatigable, sévère pour les soldats qui manquaient de cœur ou de discipline; libéral jusqu'à la prodigalité pour ceux qui remplissaient fidèlement ses ordres; désintéressé pour lui et pour les siens, mais cruel, sanguinaire, le farouche baron des Adrets n'aimait la victoire, que par ce qu'elle avait d'affreux.

Accompagné de ses deux lieutenants, Mauvans et Montbrun, il descend le Rhône, s'arrête devant Pierre-Latte et somme les habitants de se rendre à discrétion. Les habitants lui répondent en courant aux armes; le baron des Adrets emporte leur ville d'assaut, et fait passer au fil de l'épée tout ce qu'il y trouve, hommes, femmes et enfants.

De Pierre-Latte il se rend à Mornas, qui lui ouvre ses portes sans résistance aucune, se rendant à composition.

Le jour même, au mépris de la foi jurée et donnée aux soldats catholiques, il les fait conduire sur la plate-forme du château, et les force à se précipiter du haut des créneaux sur les rochers du Rhône.

Entouré de ses officiers, il voulut assister lui-même à ce cruel spectacle, prêtant jusqu'à la fin l'oreille et le cœur aux cris des malheureux que la mort attendait au bas.

On dit qu'un soldat catholique, tombant sur un figuier sauvage, poussé dans les fissures des rochers, resta longtemps suspendu aux branches de cet arbre, bravant impunément plus de mille coups d'arquebuse tirés sur lui, tant que le soleil eut un rayon pour ce jour-là.

Le soldat put heureusement s'évader pendant la nuit.

Le terrible baron des Adrets, furieux de ce qu'il manquait un cadavre à son compte, voulut joindre l'infamie à la cruauté.

Pour railler Fabrice, gouverneur d'Avignon, il fit exposer sur de vieilles barques plusieurs corps de catholiques, les bras en croix et les mains clouées, avec cet écriteau fixé sur la poitrine : Fabrice, laisse passer ces marchands papistes; ils ont payé le péage à Mornas.

Le nom du baron des Adrets est écrit en caractères de sang dans les annales de notre histoire, et dans le cœur des habitants de Mornas.

C'est peut-être le seul nom historique que leur ait conservé la tradition.


Partager cet article sur :


Je vous propose d'autres légendes du Vaucluse