La légende du pont de la Calade [Saint-Raphaël (Var)]

Publié le 14 octobre 2022 Thématiques: Chute , Construction de pont , Diable , Grossesse , Jeune fille , Jouer des tours , Mort , Pont ,

Dark Bridge
Dark Bridge. Source annewipf via deviantart
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Source: Basset René / Revue des Traditions Populaires (1891) (2 minutes)
Lieu: Pont de la Calade / Saint-Raphaël / Var / France

A l’endroit où le chemin de Suveret coupait le torrent de la Garonne, pompeusement désigné, sur la carte du territoire de Saint-Raphaël, par le mot: fleuve La Garonne, il y avait un pont en pierre que l’ont vient de démolir il y a quelques semaines à peine, parce qu’il n’était plus dans la direction de l’axe de la route de la ville à Valescure, route établie sur le chemin même de Suveret pendant une très grande partie du parcours. Au pont de pierre on a substitué un pont sur poutrelles de fer, distant du premier de 35 mètres environ, ce qui aidera certainement la légende du pont de la Calade à tomber dans l’oubli éternel ; un dernier écho, bien affaibli, en est parvenu à peine jusqu’à mes contemporains.

Voici ce que ma mémoire d’enfant a retenu du récit fait par la tante Dorothée :

Le passage du pont sur la Garonne était fort désagréable : de la boue épaisse les jours de pluie, de la poussière à éborgner même les bons chrétiens, les jours de soleil et de mistral. – Faut mettre beaucoup de gipas (vieux plâtre), disaient les uns. – Faut mettre des laouvos (grandes pierres plates), disaient les autres. – Faut le calada (le paver), dit un homme qu’on ne connaissait pas dans le pays et qui avait une vilaine longue figure avec une barbe qu’on aurait dit une vieille escoube de brugas (balai de bruyère). Si on me donne les pierres, je caladerai moi-même et je ne demanderai point d’argent à personne de ce monde. – Nous donnerons les pierres, répondirent les assistants, et aussitôt l’homme à la barbe de vieille escoube se mit à calader le pont.

Pourquoi laissez-vous au beau milieu cette pierre plus haute ? – C’est pour voir, pour bien voir, pour faire voir, répondait l’homme en crénillant de rire comme si l’on entendait ouvrir la porte du vieux Castellas.

Quand il eut fini de calader, il dit : Bonsoir à tous ! en crénillant encore plus fort et il disparut comme un lamp (un éclair).

Alors on voulut achever d’afiquer la pierre du milieu, mais rien n’y faisait et à chaque coup on aurait cru entendre sous le pont, plus au fond encore, le même crénillement du départ de l’homme.

A quelques semaines, après, la fille de Mestré xxx, avec son prétendu, passaient sur le pont de la Calade. La belle avait beaucoup fait parler d’elle, mais c’était tout. Voilà qu’au beau milieu du pont, elle s’assipe (elle se heurte) à la pierre dresso (droite), tombe sur son ventre et reste estourdido.

On veut la relever et au même moment on entend, dans le roumias de la ribo (dans la haie de la rive), une voix qui dit en crénillant: Anas cerca misé Blancho. Allez chercher la Blanche (c’était le nom de la sage. femme du village), et on sonna les cloches pour le baptême et la cloche ne sonna jamais pour le mariage.

Depuis lors, l’épreuve du passage du pont de la Calade effrayait les filles qui avaient cessé d’être innocentes, et on disait d’elles : Voou plus passa lou pouant de la Calado, tant de fichü. Elle ne veut plus passer le pont de la Calade, tant de…. perdu.


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