La tradition rapporte que, peu de temps après sa mort, [Saint Roseline ou Rossoline] obtint du Seigneur un prodige en faveur de son frère qui avait pris la Croix. Hélion de Villeneuve, fait prisonnier dans une bataille par les Sarrasins, fut chargé de chaînes et jeté au fond d'un noir cachot. Il y passa de longs jours, reportant souvent ses pensées vers la Provence : là étaient son père, et cette pieuse Rossoline, dont le souvenir était si intimement uni au souvenir de Dieu, que le chevalier captif sentit redoubler pour le Seigneur son amour et sa confiance. Un jour qu'il avait beaucoup pleuré, beaucoup prié, il s'endormit, et soudain, s'éveillant en sursaut, il sent une douce main qui presse la sienne : près de lui est sa sœur; Rossoline détache les fers qui retiennent le chevalier, ouvre la porte du cachot et le conduit au rivage; là, elle étend son voile sur les eaux, s'y place avec Hélion et, peu de temps après, ils abordent en Provence. Après quelques instants de sommeil, Hélion, ne trouvant plus sa sœur, pense qu'elle l'a devancé pour avertir son père. Mais en arrivant au manoir seigneurial, il apprend que Rossoline est morte. Il tombe alors à genoux, remerciant le Seigneur pour la grâce qu'il vient de recevoir et pour la gloire dont jouit sa sœur bien-aimée.
Une autre tradition a conservé le souvenir de ce prodige, mais avec des circonstances différentes: quand Hélion partit pour Rhodes, Rossoline lui prédit qu'il serait fait prisonnier et lui annonça que le Seigneur le délivrerait d'une manière miraculeuse. Tombé dans les fers des infidèles, le chevalier se rappela les paroles de sa sœur et attendit avec confiance l'entier accomplissement de la prédiction, promettant à Dieu de construire un monastère, s'il était délivré. La nuit suivante, pendant qu'il dormait, Hélion fut enlevé de son cachot; les anges le transportèrent en Provence, à une petite distance du village des Arcs: une croix s'éleva par son ordre, sur le lieu où il avait été déposé; et, pendant de longs siècles, les passants purent contempler ce monument de pieuse reconnaissance.
Il suffit de lire cette légende pour voir que l'aventure surnaturelle attribuée à Hélion de Villeneuve n'est que la réédition d'une légende attribuée, suivant les pays, à tel ou tel saint ou bienheureux, depuis les saintes Marie, saint Lazare, sainte Marthe et sainte Madeleine jusqu'à saint Honorat.