La légende de la Chapelle de l'Arbrisseau [Chimay (Région Wallone / Belgique)]

Publié le 4 décembre 2022 Thématiques: Chapelle , Messe , Messe perdue , Nuit , Paysan , Prière ,

Chapelle Notre-Dame del Pilar de Salles
Chapelle Notre-Dame del Pilar de Salles. Source Laurent Poirrier via PInterest
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Source: Lemoine Jules / Le folklore au pays Wallon (1892) (2 minutes)
Lieu: Chapelle Notre-Dame del Pilar de Salles (Notre-Dame de l’arbrisseau) / Chimay / Région Wallone / Belgique

Aux temps où les moyens de transport étaient moins faciles qu'aujourd'hui et il suffit pour cela de remonter au commencement de notre siècle, bien des fermiers, pour utiliser leurs attelages pendant la morte saison, s'occupaient du roulage et transportaient jusqu'au centre de la France, les produits de notre pays. Une famille honorable de Macon avait, pour ce service, trois robustes attelages, dirigés par les fils du fermier. Ils commençaient ordinairement leurs expéditions lointaines après avoir fini les semailles d'automne, c'est-à-dire vers la fête de la Toussaint, le 1er novembre.

Jamais ils ne se seraient mis en route sans avoir fait leurs dévotions à la bonne Vierge de l'Arbucheau en qui ils avaient grande confiance et ils s'y rendaient tous les trois de compagnie. Le dernier jour avant le départ était employé à faire les adieux aux amis, non sans vider force chopines de blonde bière.

Une année, l'un des trois frères s'oublia avec des camarades; peut-être prolongea-t-il un peu trop les adieux à la promise, toujours est-il qu'il ne rentra qu'après la soirée, alors que ses frères, revenus de leur pieux voyage, ronflaient déjà à poings fermés. N'importe l'heure avancée, il veut quand même aller à la chapelle. Il part d'un pas décidé et arrive près des gros tilleuls au moment où minuit pleurait à tous les clochers d'alentour. Il veut s'agenouiller sur le seuil, mais la porte, comme tirée par une main invisible, s'ouvre grande devant lui. Deux cierges s'allument sur l'autel et un prêtre, revêtu des ornements sacerdotaux et portant le calice et les linges sacrés destinés au sacrifice de la messe, monte les degrés de l'autel, dépose les appareils, descend au bas de l'escalier et s'inclinant commence les réponses :

"Introïbo ad altare Dei". Au lieu de répondre : "Ad Deum qui loetificat juventutem meam" comme aurait pu faire un simple serviteur de messe, notre naïf campagnard s'effare, prend ses jambes à son cou et se met à bondir à larges enjambées, le corps couvert d'une sueur froide, entièrement dégrisé, vers son lit qu'il atteint en rien de temps, les jambes demi mortes et le cœur encore tout palpitant de son violent émoi. Il raconta ce qu'il avait vu et l'on en conclut que s'il avait pu servir la messe de ce pauvre prêtre il aurait délivré une âme du purgatoire. La croyance existe chez le peuple, que tout prêtre qui meurt sans avoir desservi toutes les messes dont il s'était chargé, doit revenir sur la terre pour s'en acquitter et que celui qui est choisi pour la lui servir, doit le faire sans crainte parce qu'il fera une bonne œuvre.


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