A la Côte-des-Fées, considérée à Gondrecourt comme lieu de sabbat, se rattache un conte amusant qui n'est pas particulier à la ville, ni même au pays, mais qu'on retrouve dans d'autres contrées et qui paraît bien appartenir au fond commun de toute la race. Comme tel, il vaut surtout par l'effort de localisation qu'il présente, c'est-à-dire par l'application qui en a été faite aux mœurs et à la topographie de Gondrecourt.
Au temps où les sorciers tenaient leurs réunions sur la Côte-des-Fées, il y avait à Dainville un bossu. Il arriva qu'un beau jour, ou plutôt une belle nuit, comme il revenait des bois, il vint à passer sur le chemin de la Côte et se trouva en plein sabbat. Gnomes et sorciers, lutins et fées dansaient en chantant: Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi. – Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi. Le paysan, pour se donner un air courageux, et sans doute aussi étonné que les lutins s'arrêtassent toujours au quatrième jour de la semaine, s'avisa d'ajouter : Vendredi, Samedi, Dimanche. Entouré aussitôt par les lutins enchantés, ils lui demandent s'il ne serait pas désireux d'entrer dans leur société. Hélas! répond le paysan, ce serait pour moi un grand honneur, mais comment pourrais-je suivre vos danses et vos ébats avec cette bosse énorme que j'ai sur le dos? – N'est-ce cela ? répliquent les lutins, et en l'espace d'une seconde la bosse est enlevée, à la grande joie du pauvre homme qui se confond en remerciements et s'en va. De retour au village, le bruit de cette miraculeuse guérison eut vite fait de se répandre. Tout le monde félicitait l'heureux personnage et sa femme ne cessait de l'embrasser en l'admirant.
Dans le même village habitait un autre bossu. La femme de ce dernier ayant appris l'aventure, voulut qu'il allât, lui aussi, voir les lutins. Le bonhomme assez peureux hésitait, mais sa femme lui fit honte de sa couardise et à force d'insistance, le décida. Ayant pris ses renseignements, il partit un vendredi soir de façon à arriver à la Côte en plein sabbat. Hé! bonsoir, messieurs les lutins, j'ai le désir d'entrer dans votre société. Un immense éclat de rire accueillit ces paroles. Es-tu fou, pauvre homme ? Penses-tu, avec une bosse pareille, pouvoir danser avec nous les rondes du sabbat?
Ma bosse ne fait « yac » à la chose, dit le manant. Vous n'avez qu'à me l'ôter, vous l'avez bien fait pour Un Tel.
Les lutins sont volontiers bienfaisants, mais ils ont aussi leurs caprices. Le ton du bossu leur déplut. Au lieu de lui enlever sa bosse, ils lui ajoutèrent celle de l'autre, de sorte que notre homme rentra à Dainville avec deux bosses, l'une par devant, l'autre par derrière.
La légende ajoute que, sa femme ayant commencé à crier contre lui et à le traiter d'imbécile, il prit un bâton et lui flanqua une magistrale volée, estimant avec assez de raison, que c'était sa faute s'il avait maintenant une bosse de plus.