Sur le penchant sud-ouest du Fremersberg, ou se développe à l'oeil enchanté une vue magnifique sur l'incomparable vallée du Rhin jusqu'aux Vosges, un ermite, nommé frère Henri, s'était bâti en 1411 une cellule et une chapelle. Quelques années plus tard, en 1415, de nouveaux frères s'associèrent à lui, de sorte que cet ermitage dut être agrandi. L'événement qui va suivre donna sujet à la transformation de cet ermitage en couvent. La contrée était alors peu habitée et non cultivée; de grandes forêts sans fin s'étendaient depuis les crêtes élevées des montagnes jusqu'au bas des vallées et bien avant dans la plaine, et étaient en partie sans chemins et impénétrables. II arriva donc que le Margrave Jacob, chasseur passionné, peu d'années avant sa mort, s'étant trop écarté de sa suite, s'égara dans la forêt; il avait été surpris par d'épaisses ténèbres dans une soirée d'automne déjà fort avancée, de sorte qu'il n'était nullement en état de trouver aucun sentier ni aucune direction. Il pouvait bien y avoir plusieurs heures qu'il errait ça et là, son cheval s'était tiré avec beaucoup de peine de quelque fourré impénétrable, avait reculé d'effroi devant maint précipice dangereux; ce fut en vain qu'il sonna du cor pour appeler du secours. Enfin, ces sons, mêles à l'aboiement de son chien, parvinrent à des oreilles humaines, car ils avaient été entendus par les ermites du Fremersberg, qui à cette heure avancée se livraient encore à la dévotion.
Ils se levèrent à l'instant, et vinrent à sa rencontre à la lueur des flambeaux, le trouvèrent après une courte recherche et le conduisirent dans leur demeure. Ils lui présentèrent à manger ce que leur pauvreté leur permettait, et lui préparèrent un gîte pour la nuit. Quoique cette couche fût bien mesquine, le margrave n'avait jamais mieux reposé de sa vie. Il conserva un bon souvenir de la bonne réception de ces deux solitaires, et sa reconnaissance ne se fit pas attendre. C'était la reconnaissance d'un prince. Il transforma la pauvre cellule en un superbe couvent qu'il fit desservir par des moines de l'ordre des Franciscains, après son achèvement qui eut lieu en 1451. Ce couvent échappa heureusement à la destruction générale de l'année 1689, et ne fut pas atteint de la destinée qui amena la sécularisation. Il subsista jusqu'à l'année 1826, où les moines s'éteignirent. Les bâtiments furent démolis, et l'on vendit les biens qui en faisaient partie. L'acheteur fit transformer une partie de ces derniers en vignobles qui fournissent un excellent vin. Plus tard on y bâtit une auberge qui était très fréquentée pendant la saison. Mais peu de temps après, il subit un nouveau changement de possesseur; le tout fut converti en une superbe campagne, où l'on à regretter que l'entrée ne soit pas accessible aux étrangers, car c'est un des plus beaux points de vue des environs de Bade.