Pareil à un donjon romain, le château de Déva s'élève au milieu de la vallée du Maros, sur la cime d'un mont en forme de cône, haut de 400 mètres environ. Il y a mille ans, lors de leur invasion, les Hongrois l'ont trouvé comme un reste des anciens mondes dace et romain. Après avoir, pendant plus de neuf cents ans, servi de séjour aux voyvodes, et à bien d'autres seigneurs, le château se trouva en 1800, en la possession du fisc. A cette époque, le comte Mitrovszky, commandant de place, fit vendre les portes et les fenêtres du château, qui cessa ainsi d'être une habitation humaine. Mais le roi François II, lors de sa tournée en 1817 en Transylvanie, fut tellement charmé du site pittoresque de Déva, qu'il ne recula pas devant la somme de 440.000 francs que réclamait sa restauration. Lors de la guerre d'indépendance (le 19 août 1849), un : espion autrichien, ancien surveillant de la mine pratiquée dans le rocher, fit sauter le château. Toute la garnison hongroise périt sous les décombres.
L'origine de ce château se perd dans la nuit des temps; il ne nous en est resté qu'une légende; la voici :
Il y a longtemps, bien longtemps, trois fées, Déva, Kalan et Arany, demeuraient paisiblement dans leur château, situé dans une petite île que forme la rivière Maros, tout près de Déva.
Mais lasses de ce séjour étroit et uniforme, et désireuses de s'établir dans des habitations aériennes, elles résolurent un jour de bâtir chacune un château à part.
– Moi, dit Déva, je me mettrai à l'ouvrage dès l'aurore, et Dieu aidant, j'espère que, sur cette belle montagne d'en face, j'aurai érigé mon château dans trois jours.
Sa sœur Kalan prit un air de dédain, et dit:
– Mon château, à moi, sera de fer, et les tours en atteindront le ciel. Je n'ai besoin du secours ni des hommes, ni de Dieu; vous le verrez achevé, avant que deux jours se soient écoulés.
La troisième, Arany, aussi orgueilleuse que Kalan, prétendit bâtir un château d'or et l'achever avant la fin du jour, sans le secours de Dieu.
Dès l'aurore naissante, on se mit à l'œuvre, et le lendemain matin, le château d'or d'Arany brillait aux rayons du soleil.
Le surlendemain, les tours du château de Kalan, comme autant de géants, semblaient toucher le ciel. Au terme voulu, Déva aussi eut achevé sa résidence.
Mais voilà que, vers le soir, le ciel s'obscurcit, un orage terrible s'éleva, et toutes les forces de la nature en démence firent frémir les hommes et les animaux. Un grondement se fit entendre du ciel, suivi d'une voix terrible qui dit :
– Kalan et Arany! créatures pleines d'orgueil! vous vous êtes révoltées contre le Seigneur. Vos œuvres seront réduites à néant, ainsi que vous-mêmes. Quant à toi, Déva, tu existeras à travers les siècles, ange gardien de ceux qui viendront s'établir près de toi.