Lorsque vers la fin du quinzième siècle, la peste pénétra en Allemagne exerçant ses ravages, le margrave Charles I de Bade succomba aussi à ce fléau à Pforzheim, où il avait établi sa résidence. Son épouse, Catherine d'Autriche, se réfugia avant la peste avec ses deux enfants, Fréderic et Marguerite, dans le château de Hohenbaden, où elle passa des jours pleins d'inquiétude, car la peste s'approchait toujours d'avantage de sa retraite, et chaque jour apportait de nouveaux messages de malheurs. A la fin elle ne savait plus quel parti prendre, et craignant pour la vie de ses enfants, elle prit l'appartement situé dans la tour la plus élevée du château, et n'y donna accès à personne. Il n'y avait qu'un vieux serviteur, qui venait tous les matins au bas de l'escalier apporter ce dont la princesse pouvait avoir besoin.
Retirée dans cette solitude la princesse se croyait, d'autant mieux garantie de la peste, que la douce température de l'été lui permettait de passer plusieurs heures de la journée en plein air sur les créneaux les plus élevés de la tour, où les enfants pouvaient s'amuser. Un jour les enfants étaient endormi sur un tapis, dans un coin de la tour. Le calme solennel, qui régnait, et la paix profonde, qui respirait aux alentours. disposèrent le cœur de la princesse à un profond recueillement qui finit par s'épancher en une fervente prière en actions de grâce de ce que le ciel l'avait prise jusqu'alors sous sa protection divine et à laquelle elle ajoutait une autre prière plus fervente encore de la protéger par la suite.
Tandis que la princesse à genoux était en extase, une apparition merveilleuse s'offrit tout-à-coup à ses regards. Entourée des rayons d'une gloire céleste, la sainte Vierge, mère de Dieu, descendait du ciel, en planant dans les airs, et les nuages, qui brillaient à ses côtes, se transformèrent en figures distinctes, dont l'une représentait le couvent de Lichtenthal, l'autre les sources thermales de la ville de Bade. La reine du Ciel inclina fort gracieusement la tête avec une expression de douceur céleste, montra d'abord de la main droite les enfants, endormis, qui étroitement embrassés, souriaient pendant leur sommeil, puis sur l'eglise du couvent à côté d'elle, et de la main gauche, les sources thermales, qui au même instant se mirent à jaillir à une hauteur considérable et à répandre leurs vapeurs de tous côtés, et après cela toute cette apparition céleste se dissipa de nouveau. Dans son imagination crédule la pieuse princesse supposa, que la vision, qui lui était apparue, avait voulu lui faire comprendre, qu'elle devait consacrer ses deux enfants au service du Seigneur, si la peste les épargnait; mais c'étaient alors les sources thermales de la ville, qui devaient à la fin apporter le remède contre ce fléau.
Le lendemain matin, la margrave ordonna de lâcher toutes les sources et de les faire couler dans les rues, de sorte que leurs épaisses vapeurs se répandirent dans tous les environs. Dès cette heure même, l'intensité de la maladie se ralentit, elle exigea toujours moins de victimes, à la fin, elle disparut complétement; on n'en vit plus que le deuil et les larmes de ceux auxquels elle avait ravi les chers parents. La princesse Marguerite prit plus tard le voile dans le couvent de Lichtenthal, et le prince Fréderic embrassa l'état ecclésiastique; il mourut après avoir été revêtu de la dignité d'évèque d'Utrecht. Un superbe monument funèbre est élevé en son honneur dans l'église paroissiale catholique de Bade.