Sur le flanc sud-ouest du grand Staufenberg à l'endroit où le chemin mène à Ebersteinbourg, et l'ancienne route à la vallée de la Mourg, s'elève perpendiculairement dans la sombre forêt un énorme bloc de rocher. On le gravit facilement, et le sommet est couvert de sapins, de hêtres et de mélèzes. C'est là que s'offre une vue ravissante sur la vallée de Bade. Ce rocher s'appelle la Chaire du Diable, et son nom doit provenir de l'evénement que raconte la légende suivante:
Dans le temps où la doctrine de la croix comptait déja de nombreux prosélytes dans les pays du Rhin, le Démon sortit de l'Enfer près de sources thermales de Bade, et parut sur la terre. Fort irrité de perdre un si grand nombre de ses sectateurs par la nouvelle doctrine du salut qui venait d'être prêchée, il monta sur ce rocher, et voulut, par la force de son éloquence, ramener à lui les infidèles. De tous les côtés arrivèrent en foule des auditeurs, auxquels il dépeignit avec les plus vives couleurs, les douces joies et les félicités sans nombre que ses élus avaient à attendre; ses paroles devenant toujours plus entraînantes et ses discours plus séduisants, commencèrent à trouver accès dans les esprits des faibles et des crédules, et la plupart étaient près de se laisser abuser par ses artifices dangereux. Mais tout d'un coup un souffle extraordinaire et un bruit léger parcoururent les airs, la cime du rocher opposé resplendit des rayons du soleil du soir; alors on vit apparaître avec un plumage brillant, dans des vêtements éblouissants, et tenant à la main la palme de la paix, un messager de l'Eternel qui éleva la voix. Mais ses paroles exprimaient la douceur et la persuasion, elles débordaient de la plénitude de la vérité éternelle; elles réprimandaient avec ménagement les faibles de leur leur esprit chancelant, elles montraient le chemin du vrai salut et celui de la perdition éternelle. En même temps l'Ange développa dans son langage une puissance merveilleuse, et son discours répandit dans les esprits une paix délicieuse, une conviction à laquelle on ne se serait jamais attendu, au point que tous les auditeurs se détournèrent successivement du panégyriste du péché qui ne prêchait que des paroles artificieuses et mensongères. Mais le démon voyant arriver le moment décisif, voulut faire encore une dernière tentative: il se mit à faire gronder le tonnerre de plus fort en plus fort; des éclairs sillonnèrent les nues obscurcies, un vent de tempête s'eleva de tous côtés et souffla avec grand bruit ou travers la forêt mais le messager du ciel agita la branche de palmier qu'il tenait de la main gauche et en menaça le démon. — Ce dernier poussa un cri si perçant qu'aucune oreille d'homme n'en avait entendu de semblable, et se précipita la tête en avant dans un abîme profond qui s'ouvrit devant lui. Alors tout le peuple des environs se jeta à genoux, et, plein de repentir, se frappa la poitrine et entonna un joyeux chant de victoire et de triomphe, qui retentit au loin dans le calme de la nuit.