La légende de Saint-Rupert [Rüdesheim am Rhein (Eibingen),(Hesse / Allemagne)]

Publié le 29 mai 2023 Thématiques: Enfant , Générosité , Légende chrétienne , Mort , Pèlerinage , Relique , Saint Rupert , Saint | Sainte , Vision ,

Abbaye Sainte-Hildegarde
Matthias Zepper, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
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Source: Kiefer F.J. / None (1868) (4 minutes)
Lieu: Abbaye Sainte-Hildegarde d'Eibingen / Rüdesheim am Rhein (Eibingen) / Hesse / Allemagne

Sous le règne de Louis le pieux régnait le duc Robolaüs dans le pays des Saxons. Il n'était pas très porté pour la religion chrétienne, d'un caractère violent et sauvage, du reste brave et fort dans les armes. Il sentit un amour irresistible pour Bérthe, fille d'un puissant duc au Rhin; elle était douce et aimable, chrétienne zélée et pieuse. Bertha avait de l'inclination pour lui, parce qu'elle admirait sa prouesse et parce qu'elle se flattait de l'espérance de convertir son époux futur à la foi chrétienne.

Malheureusement cet espoir ne se réalisait pas. Le guerrier ne fit aucune attention aux représentations grâcieuses de Berthe, il finit même par les défendre entièrement et devint si bourru que la pauvre femme souffrante fut obligée de se séparer de lui et d'habiter un château éloigné. Ce fut là qu'elle accoucha d'un fils qui eut le nom Rupert, qui fut sa seule consolation et son mignon. Berthe voulut l'élever en bon chrétien religieux, parce qu'elle considérait le caractère guerrier de son mari comme la source de son malheur. Elle tâchait donc d'éveiller en son fils la vertu et le penchant pour une vie paisible et domestique.

Robolaüs fut tué dans une bataille sanglante, qui eut lieu à l'occasion d'une excursion qu'il entre prit contre des tribus voisins. Lorsque Berthe eut la nouvelle de sa mort, elle en était très triste, ne pensant plus qu'à ses bonnes qualités. Elle résolut de quitter son séjour actuel et d'aller demeurer chez ses parents, qui occupèrent le château ducal de Bingen.

Beaucoup de nobles du pays demandèrent la jeune et belle princesse en mariage, mais elle refusa les propositions les plus avantageuses, parce qu'elle voulait vouer ses loisirs à l'éducation de son fils chéri. Celui-ci récompensa aussi ses peines et ses soins de son mieux. Il ne possédait pas le caractère hautain et sauvage de son père, mais la douceur et la piété de sa mère; il montra déjà de bonne heure le penchant à bien faire, et ce penchant s'accrut tous les ans au grand plaisir de Berthe et de ses parents. Rupert se plut d'être avec les enfants du village, il partagea avec eux ce qu'il avait, donna même de ses propres habits à ceux qui étaient trop pauvrement vêtus; un jour qu'il y avait une troupe de garçons à demi nus et affamés autour de lui, et qu'il n'avait plus rien à leur donner, il les conduisit chez sa mère er lui disant: „Ma chère mère ayez donc soin pour eux, car ce sont aussi vos enfants. Il démontra son penchant de bien-fésance, lorsque Berthe voulut faire construire un édifice superbe avec avec ces paroles: „Partagez d'abord votre pain avec ceux qui ont faim et vêtez ceux qui n'ont point d'habits, puisqu'ils sont nos frères.

Par ces actes de bien-fésance Rupert devint bientôt l'objet d'un amour général, duquel il se rendit toujours plus digne lorsqu'il avançait en âge. Il donnait tout ce qu'il possédait et ce qu'il pouvait obtenir de sa mère, sans égards à lui-même. Devenu adolescent on lui fit de toute part des remarques, qu'il convenait mieux à un jeune homme d'un aussi haut rang de s'exercer à manier les armes et un cheval de bataille, que de s'amuser toujours avec des estropiés et des mendiants; mais ni les rencontrances, ni la dérison ne firent aucune impression sur Rupert, il continua à faire du bien et à trouver sa récompense dans la bénédiction des nécessiteux. Un beau jour de printemps, étant fatigué d'une longue promenade, il s'endormit sur les bords du Rhin à l'ombre d'un arbre; il vit un vieillard vénérable en longue tunique près du fleuve; une troupe de garçons joyeux jouèrent autour de lui, il saisit l'un après l'autre, les plongea dans les ondes, d'où ils ressortirent plus aimables et plus beaux. En même temps s'éleva du Rhin une île, charmante et magnifique comme un pays de fées, pleine de doux fruits du paradis; un chœur de chanteurs ailés animèrent les champs et un parfum de fleurs embaumait l'air. Le vieillard conduisit les garçons à cette île et les vêtit de blanc. Plein de désir pour cette île merveilleuse, Rupert courut vers le vieillard vénérable, en le priant de lui permettre de prendre part à ce charmant séjour. Celui-ci lui répondit d'un ton solennel: „Ce n'est pas ici ton séjour Rupert, ta bien-fésance et ta vertu te rendent digne de jouir des délices supérieures du ciel et de voir la face des glorifiés." Et voilà qu'il s'éleva du tapis semé de fleurs un arc-en-ciel en mille couleurs, et lorsque Rupert leva les yeux, il vit une troupe d'anges aux ailes dorés, au milieu desquels rayonnait l'enfant Jésus Christ avec une gloire inexprimable. A côté de lui était agenouillé St-Jean, montrant un vêtement que Rupert avait donné dernièrement à un pauvre garçon. Ils revêtirent de cet habit l'enfant rédempteur et celui-ci dit: „Tu as donné ce vêtement aux nus et tu as nourri ceux qui suffrirent la faim; pour ces faits tu mérites une grande récompense dans la gloire de la magnificence éternelle. Dans ses délices, Rupert étendit les bras vers l'aimable enfant Jésus-Christ – mais voilà que l'image charmante disparut il s'éveilla. A partir de ce jour, Rupert était comme transfiguré. Il résolut de prendre le bâton du pèlerin, de se rendre à Rome, d'aller ensuite visiter le Saint-Sépulcre et de revenir finalement dans la capitale de la chrétienté pour y passer le reste de ses jours. Toutes les représentations de sa mère qui, tout en l'élevant chrétiennement, l'avait destiné à l'ordre de la chevalerie, ne purent obtenir de lui d'autres promesse que celle de revenir de Rome pour quelque temps auprès d'elle. Il renonça ainsi aux dignités princières et échangea la pourpre contre la bure du pèlerin.

Lorsqu'un an après il revint de son voyage, les fatigues et les privations avaient tellement miné sa constitution du reste fort débile, qu'il mourut, à peine âgé de vingt-deux ans, dans les bras de sa mère qui ne tarda pas à le suivre dans un meilleur monde.

On mit Rupert plus tard au nombre des Saints, et le couvent d'Eibingen possède encore, d'après la légende, le même vêtement qu'il avait donné un jour à un petit pauvre enfant et qu'il avait vu en songe.


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