La légende de la formation du lac de Lourdes [Lourdes (Hautes-Pyrénées)]

Publié le 12 septembre 2023 Thématiques: Accueil , Dieu , Dolmen/Menhir , Engloutissement , Lac , Mauvais accueil , Mendiant , Mort , Origine , Origine d'une roche , Origine d'un lac , Pierre | Roche , Punition , Sauvetage ,

Menhir de Peyre-Crabère
Menhir de Peyre-Crabère. Source irundarra sur The Megalithic Portal
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Source: Cordier, Eugène / Les légendes des Hautes-Pyrénées (1878) (2 minutes)
Lieu: Menhir de Peyre-Crabère / Lourdes / Hautes-Pyrénées / France
Lieu: Lac de Lourdes / Lourdes / Hautes-Pyrénées / France

Il fut un temps où Dieu allait familièrement sur la terre, contemplant les choses et les êtres qu'il a créés. Ce temps est le même en tous pays. C'est celui où les hommes commencent à se chercher, à se parler et à se reconnaître. L'humanité est naissante : ces enfants inspirés, qui bégayent, voient distinctement Dieu le père, qui est à côté d'eux, qui les observe, qui les réprimande et les châtie s'ils font mal, qui les récompense s'ils font bien, et bénit leurs vertus.

Or, de toutes les vertus, la plus chère la plus indispensable aux sociétés informes et nouvelles, c'est peut-être l'hospitalité. Et c'est pourquoi Dieu, protecteur de l'hôte compatissant, vengeur du droit de l'étranger méconnu, apparaît au frontispice de toutes les croyances de l'univers.

La grande figure se retrouve sur le seuil de la légende pyrénéenne. Car si l'Éternel, au rapport de la Genèse, envoyait ses anges à Sodome, pour éprouver le cœur de ses durs habitants, lui-même, sous la figure d'un pauvre, entrait, un soir, dans une ville de Bigorre, qui fut la première Lourdes. Et l'on m'a dit que ce pauvre allait de maison en maison, priant qu'on lui donnât quelque chose pour apaiser la faim qu'il avait. Mais il ne recevait partout que des refus, jusqu'à ce que se voyant privé de nourriture par la méchanceté des hommes du lieu, il aperçut une misérable cabane, qui était la seule où il ne se fût pas encore présenté, et il y fut. Dans cette cabane, il se trouvait deux femmes et un petit enfant au berceau. Et les deux femmes allèrent au-devant de lui et lui dirent : « Pauvre homme! qu'aurions-nous à te donner? car nous sommes pauvres comme toi et nous sommes privées de tout. Cependant tu peux entrer et t'asseoir dans notre maison, et même, s'il te plaisait d'attendre un peu, voici deux gâteaux de seigle que nous avons pétris et qui cuisent à présent sous la cendre. Lorsqu'ils seront tout-à-fait cuits, nous les mangerons et tu en auras ta part. Demeure seulement un peu sans impatience. »

Et le divin pauvre, auquel ces femmes offraient un siège devant leur foyer, s'assit, chauffant ses membres, et demeura sans parler. Cependant les gâteaux s'étendaient sous la cendre et croissaient merveilleusement. Car si Dieu se montre quelque part, aussitôt tout s'accroît, la pauvreté se change en abondance: or, les gâteaux de seigle grossissaient. Quand ils furent cuits, les femmes les retirèrent du feu, et les voyant si grands, elles en restèrent surprises. Puis elles les divisèrent, et leur hôte en eut sa part, ainsi qu'elles le lui avaient promis.

Comme elles lui rendaient tous les soins dont elles étaient capables, il prit un ton d'autorité bienveillante, et il leur dit : « Femmes, en faveur de votre charité, je veux vous sauver la vie à présent : car cette ville va être engloutie sans retard, avec ses habitants, à cause de leur méchanceté. »

En même temps, il leur commanda qu'elles eussent à sortir de chez elles et à le suivre, ce qu'elles firent en tremblant ; et elles emportèrent toute leur richesse, qui était le bel enfant endormi dans son berceau.

Quand elles se furent éloignées, le sol sur lequel la ville était bâtie s'affaissa subitement, et une eau profonde le recouvrit comme un déluge. Aucune autre personne ne s'échappa que les trois habitants de la cabane. En mémoire de cet évènement, un berceau de pierre, béant au bord du lac de Lourdes, semble attendre encore le doux enfant, miraculeusement sauvé par la charité des deux femmes. Si l'on regarde attentivement à la surface des eaux, quand elles sont basses, on distinguera parfois la pointe des édifices et le comble des maisons qui décoraient jadis la ville noyée.


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