Le titre de propriété de l'oncle et le Diable [Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées)]

Publié le 22 septembre 2023 Thématiques: Champs , Diable , Diable victorieux , Enfer , Ferme , Mort , Pacte avec le Diable , Paysan , Téléportation ,

Le Lavadan à Argelès-gazost
Le Lavadan à Argelès-gazost. Source Ardo Beltz via Wikipédia, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported
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Source: Cordier, Eugène / Les légendes des Hautes-Pyrénées (1878) (2 minutes)
Lieu: Le Lavadan ou vallées des Gaves / Argelès-Gazost / Hautes-Pyrénées / France

[...] Des évènements [...] étranges s'accomplissaient dans l'enceinte des montagnes [proche de Poueyferré] : témoin ce paysan des bords du grand Gave, dont la vallée de Davantaigue a conservé le souvenir.

Il se voyait sur le point de perdre une riche prairie, parce que le titre constatant son droit avait disparu. Ce titre était chez un oncle; mais lorsqu'il fut le chercher, l'oncle était mort; le papier ne se retrouva point. Cet homme est bien en peine, et venant au bord de la prairie : « Hélas! » dit-il, serai-je dépouillé du plus clair de mon bien ! J'avais un titre, et ce titre est perdu... Où le découvrirai-je à présent?.. le diable seul y pourrait quelque chose, si le diable voulait... Qu'il vienne à mon secours, en cette extrémité, et je lui » donne, à son choix, ma plus belle paire de bœufs. »

Le diable répondit : « Je te tiens quitte de tes bœufs, et je te servirai : mais à la condition que tu me cèderas ton épouse.
– « Je le voudrais, reprit le paysan, que je ne le pourrais point. Je ne dispose pas de mon épouse... La femme n'est point à l'homme, mais elle est à elle-même. »

Le diable n'insista point. Il le transporta dans une salle magnifique, où des individus de tout âge étaient assis sur de moelleux fauteuils. Et son oncle se trouvait parmi eux. Or, le diable montrant un des sièges qui était vide : « Je vais te rendre ta prairie, dit-il; mais tu me feras, quant à l'avenir, cadeau de ta personne. Je la déposerai quelque jour dans ce siège délicieux, au sein de cette honorable assemblée. »

Le paysan ne répondit point; il éprouvait quelques doutes, et s'avançant vers son oncle qu'il avait reconnu dès l'abord :
« Vous êtes bien assis, mon cher oncle, » lui dit-il, « et fort à l'aise apparemment.»

« Or, lui dit son oncle, touche un peu mon fauteuil avec l'extrémité de ton bâton. »

Le paysan toucha. Mais à l'instant une flamme courut du fauteuil au bâton et du bâton à l'homme, qui en fut bien épouvanté :
« Ah! ah! dit-il en tremblant, je comprends où je suis à cette heure n'est-ce point en enfer?
– « Sûrement, lui dit son oncle; j'y réside pour mes péchés, et comme tu peux voir, en nombreuse compagnie.
– « Mais, reprit le paysan, dont l'esprit tenace ne perdait point de vue l'objet de son voyage, où donc est le titre de ma prairie ?
– « Retourne dans ma maison, lui dit son oncle, et au fond de ma cheminée, sur l'une des tablettes où la résine s'allume pour nos veillées, tu le découvriras. »

Le paysan n'en demanda pas davantage; il avait hâte de sortir de ce lieu, et il faut convenir que le diable mit de la complaisance à l'en tirer.

A peine se vit-il libre, que, profitant des avis de son oncle, il retourna dans sa maison, et au fond de l'obscure cheminée, il retrouva son titre il s'assura de sa prairie. Mais, à la même heure, il perdit la parole; et, à une heure de là, jour pour jour, il était mort.

Qu'on interroge les anciens de ce mystérieux pays qu'on appelle le Lavedan, ils rediront, en la variant, cette histoire et la jeunesse contera à son tour l'aventure suivante, dont la moindre singularité n'est pas de s'être accomplie de notre temps.


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