Sur le territoire de la commune de Moye, près du hameau de Bessine, on voit une grotte creusée dans les flancs du Mont-Clergeon, du sommet duquel on jouit d’un panorama qui embrasse la Chautagne tout entière, le Colombier, les marais de Culoz et la partie la plus pittoresque du cours du Rhône. Celte grotte porte actuellement le nom de la Dânne de Coque-Rey. Les mots dânne et balme ont la même signification; tous deux s’appliquent aux grottes; seulement le mot dânne sert à désigner les grottes verticales, et le mot balme, les grottes horizontales.
Coque-Rey a donné à cette grotte la dénomination qu’elle porte aujourd’hui; mais comment l’appelait-on auparavant? C’est là le mystère, car l’événement tragique dont Coque-Rey fut le triste héros date à peine de 1770, et cette grotte n’est pas de formation récente. Quoi qu’il en soit, voici ce qu’on raconte :
Un nommé Coque-Rey, de Rumilly, ayant fait un pacte avec le diable, lui avait promis de lui livrer son plus jeune enfant, en échange d’un trésor enfoui dans les entrailles de la grotte, qui devait faire cet homme aussi riche que le plus opulent propriétaire de la contrée. Coque-Rey se rendit deux fois dans la dânne, à la Saint-Jean et à la Noël, vers le milieu de la nuit. Reçu par l’archange des ténèbres à qui il sacrifiait une poule noire, il en rapporta une bonne charge de paillettes d’or. A chacune de ses visites, manquant à la parole donnée, il n’ammena pas son fils. Satan, qui ne pouvait vraiment se laisser duper par un simple mortel, feignit de pardonner et assigna un troisième rendez-vous à Coque-Rey. Mais Coque-Rey s’étant encore présenté seul à cette dernière audience, Satan se mit sérieusement en colère, et, pour punir notre homme de son manque de foi, il lui déclara qu’il ne le laisserait pas sortir vivant de la caverne; puis, disparaissant, après avoir appuyé sa griffe brûlante sur l’épaule du malheureux Coque-Rey, il le laissa plongé dans la plus profonde obscurité.
Après de vains efforts pour sortir de la dânne, Coque-Rey se mit à pousser des cris aigus, qu’entendirent, au malin du jour suivant, quelques bûcherons qui se rendaient dans la forêt voisine. La nouvelle se répand, les habitants de Rumilly accourent, le gardien des capucins à leur tête. On fait glisser des cordes dans la grotte pour retirer Coque-Rey; mais ce dernier ne criait que plus fort, disant que le diable ne voulait pas le lâcher et qu’il lui déchirait le corps.
Alors le capucin se mit à exorciser le diable, pour le chasser du corps de Coque-Rey; l’oreille tournée vers l’intérieur de la caverne, il écouta le malheureux dans la confession de ses iniquités, ensuite il lui donna l’absolution et l’on n’entendit plus rien. La foule qui s’était agenouillée pendant cette cérémonie s’écoula dans un douloureux silence.
Dès lors, personne n’osa plus porter ses pas de ce côté. Cependant, en 1798, un soldat se fit descendre dans la grotte; il en rapporta la lanterne de Coque-Rey et une partie de ses ossements.