La légende des cous-tordus [Boëge (Haute-Savoie)]

Publié le 15 juin 2023 Thématiques: Chapelle , Guerre de religion , Miracle , Protestant , Punition , Statue de la Vierge , Statue qui se déplace , Vierge , Vierge noire ,

Notre-Dame-des-Voirons
Notre-Dame-des-Voirons. Source Roxaneweb, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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Source: Dessaix Antony / Légendes et Trad. Pop. de la Haute-Savoie (1875) (2 minutes)
Lieu: Notre-Dame-des-Voirons / Boëge / Haute-Savoie / France

Quand les Bernois dévastèrent le Chablais, – c’est vieux de trois siècles à peine, et l’on voit encore clairement les traces hideuses de leur passage sur l’herbe de la contrée, – quand donc ils vinrent saccager et brûler les couvents, piller les monastères, massacrer, ou du moins maltraiter les hommes de Dieu qui refusaient d’embrasser l’hérésie, il faut reconnaitre qu’ils furent maintes fois secondés par les gens du pays, et que quelques uns des crimes de l’étranger doivent être imputés à l’indigène.

La chapelle des Voirons, construite par Amédée de Langin, ne pouvait qu’éveiller la rapacité de ceux qui étaient dans la confidence de ses richesses. Il se trouva, à Brens, petite commune voisine, un scélérat qui n’eut pas honte de conduire et de diriger les pas des dévastateurs et de leur révéler tous les secrets de la localité. Il fit mieux : suivi des huguenots qui restèrent étonnés de cette audace inqualifiable, ce forcené se jeta sur l’autel, renversa la statue de la Vierge, et, lui passant une corde au cou, se mit en devoir de la trainer après lui, avec accompagnement d’insultes et de blasphèmes, cela va sans dire.

Mais après un court trajet, au milieu de la prairie, la statue résista au mouvement que lui imprimait la corde et auquel elle n’avait consenti que pour mieux montrer sa puissance. Elle se dressa, planta les talons dans le sol, et quelque effort que pût faire son ravisseur, elle se refusa à le suivre plus loin. Notre homme, voyant qu’il d’avançait plus, voulut se rendre compte de ce qui l’arrêtait et tourna la tête en arrière. Mal lui en prit, car il ne put plus la remettre à l’endroit. Il fut néanmoins le chef d’une longue lignée qui n’est pas prés de s’eteindre et dont chaque membre a le cou tordu.

Quant à la statue, elle avait retrouvé ses jambes, et elle était retournée se placer d’elle-même sur l’autel d’où on l’avait renversée. Là, elle attend encore, pleine de douceur et de mansuétude, que le scélérat qui lui a fait un si odieux outrage, ou l’un de ses descendants, vienne implorer un pardon qu’elle serait heureuse de lui octroyer.

D’aucuns prétendent que la statue était restée dans la prairie où le cou–lordu avait dû l’abandonner, et que c’est le Père Monod, des Augustins de Thonon, qui l’a replacée dans sa niche. Toujours est-il que la Vierge des Voirons trône sur son piédestal et que de nombreux fidèles viennent plusieurs fois l’an lui payer leur tribut de prières et d’offrandes.


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