La légende de l'origine des Zaehringen [Gundelfingen (Bade-Wurtemberg / Allemagne)]

Publié le 16 juin 2023 Thématiques: Charbonnier , Château , Chevalier , Ermite , Foret , Fuite , Générosité , Noblesse , Or , Origine , Origine d'un nom , Roi | Empereur , Trésor ,

Château de Zähringen
Château de Zähringen. Source Johann Friedrich Helmsdorf, Public domain, via Wikimedia Commons
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Source: Kiefer F.J. / Légendes et traditions du Rhin de Bâle à Rotterdam (1868) (4 minutes)
Lieu: Château de Zähringen / Gundelfingen / Bade-Wurtemberg / Allemagne

Dans la vallée boisée de Zähringen, à l'endroit où la forêt s'élève vers la cime de la montagne appelée Rosskopf (Tête de cheval), vivait un jour un jeune charbonnier, garçon vaillant et d'une stature imposante. Il aurait pu se contenter de sa profession qui donnait un revenu suffisant à ses parents, mais il n'y pouvait trouver le bonheur. Son père l'avait un jour envoyé à la ville où il eut l'occasion de voir un tournoi. Cette vue avait éveillé dans le cœur du jeune homme le désir d'entrer dans la chevalerie. Ses parents étant morts ensuite, et aucun devoir filial ne l'attachant à la cabane paternelle, il lui semblait souvent qu'il devait quitter pour jamais le bois et entrer au service du premier chevalier venu.

Un jour préoccupé de ces pensées, il vit venir à lui un vieux ermite qui lui dit: “Je sais ce que tu veux, mais crois-moi le moyen d'atteindre au but de tes désirs ne se trouve que dans cette forêt et dans ta profession actuelle. Toutefois faut-il que tu choisisses un meilleur emplacement que celui-ci; viens avec moi, je te montrerai un endroit plus convenable.“ Le jeune homme étonné suivit le vieillard qui le mena bien avant dans l'épaisseur du bois contre une colline. “C'est ici,“ dit le vieillard, “qu'à l'avenir il faut que tu fasses tes charbons!" l'ermite disparut en disant ces paroles avant que le charbonnier put lui demander de plus amples explications.

“Les paroles du solitaire,“ pensa-t-il, s'expliqueront plus tard d'elles-mêmes; dans tous les cas, je ne puis mal faire, si, en attendant, je me rends à son avis.“ Il se mit à abattre avec de grands efforts, les énormes arbres qui entouraient la colline, puis il dressa un fourneau qu'il couvrit de la terre rocailleuse de la hauteur avant que de l'allumer. Quel fut son étonnement, lorsqu'il trouva, après que le fourneau eut cessé de brûler, après qu'il en eut ôté la couverture, plusieurs lingots d'or que l'ardeur du feu avait fondus du minerai. Il cacha prudemment ce trésor dans une fente voisine du rocher, puis il dressa un second fourneau et après celui-ci encore plusieurs autres qui tous lui procurèrent le même avantage, de sorte qu'en peu de temps il fut possesseur d'un immense trésor.

Il ne savait que faire de son or, et forgeait mille plans divers. Un soir le charbonnier se coucha fort tard; les soucis que lui donna la possession de ses richesses lui ôtèrent le sommeil dont il avait besoin, Il lui sembla entendre tout-à-coup qu’on frappait doucement à sa porte; il se mit sur son séant, doutant s'il avait bien entendu, lorsque des coups plus forts retentirent. Il ouvrit courageusement la porte, et vit à la pâle lueur de la lune un homme qui lui demanda de pouvoir entrer chez lui.

Le charbonnier était d'autant plus étonné de cette visite nocturne que rarement un étranger mettait le pied dans ce désert; il hésita d'abord de recevoir l'inconnu, mais lorsque celui-ci affirma être un malheureux proscrit que la solitude seule pouvait sauver, le charitable jeune homme ne se refusa pas plus longtemps à lui accorder l'hospitalité.

La situation si isolée de la cabane fut la meilleure protection pour le fuyard; aucun persécuteur ne parut; l'étranger découvrit bientôt en ce jeune charbonnier un cœur fidèle et courageux auquel on peut donner une confiance illimitée.

Aussi le voyageur dit-il un jour au jeune homme; “Je puis sans danger, sans aucune reserve, me découvrir à vous; vous êtes incapable de trahison et me semblez homme de confiance, j'ai besoin d'un ami tel que vous. Je ne me retrouverais jamais dans ces épaisses forêts; il me faut donc un guide fidèle qui me ramène auprès des miens. Sachez, jeune homme, à qui vous avez accordé l'hospitalité en votre cabane; je suis votre infortuné empereur. Attaqué par des ennemis nombreux, j'ai tout perdu dans un combat inégal et pernicieux; je n'ai plus ni armée ni trésors et dois fuir loin d'ici et pleurer ma destinée dans la plus profonde solitude. J'attends de vous le dernier service, ramenez-moi, par des sentiers secrets, auprès de ceux qui m'attendent; hélas, moi qui fus jadis si puissant, je ne saurais même vous récompenser du service que je vous demande."

Le charbonnier entendit ces paroles avec étonnement, et répandant des larmes de compassion, il se jeta aux genoux du souverain. Se relevant ensuite, il saisit la main de son noble hôte et dit: “Je reconnais maintenant la Providence divine qui m'a fait trouver, dans cette riche vallée, d'une façon miraculeuse, un immense trésor, qui me met en état d'offrir à mon souverain chéri un service qui lui sera peut-être d'une grande utilité. Voici,“ dit-il en menant l'empereur à l'endroit tout proche de la cabane où l'or était caché; “voici ce que j'ai tiré des pierres de cette montagne, acceptez-le comme présent. En échange de l'or, je ne désire que d'être compté au nombre de vos partisans et de pouvoir vouer mon bras à la justice de votre cause.“

Emu et plein de nouvelles espérances, l'empereur embrassa l'excellent jeune homme. Le soir du même jour encore, ils quittèrent tous deux la cabane de la forêt avec le trésor, et ils parvinrent par des chemins ignorés et après maint trajet nocturne en lieu de sûreté auprès d'amis fidèles.

L'or servit à réunir une armée nouvelle. Le monarque se vit bientôt à la tête d'un nombre si considérable de guerriers bien équipés qu'il put attaquer ses ennemis. La valeur de ses soldats remporta une victoire complète. Le charbonnier surtout qui combattit sous les yeux mêmes du monarque se couvrit d'une gloire immense. L'empereur lui conféra, sur le champ de bataille même, l'ordre de la chevalerie et lui donna le nom de Zähringen ainsi que l'autorisation de se construire pour lui et ses descendants un château fort sur les hauteurs dominant la vallée isolée où était son ancienne cabane.


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