Les Français assiégeant la forteresse de Philippsbourg, commandèrent un jour l'assaut des bastions; douze grenadiers reçurent l'ordre d'escalader secrètement les remparts à un endroit éloigné inoccupé en apparence. A l'exception d'une seule recrue, il n'y avait point de troupes à ce poste; car on ne supposait pas qu'une attaque pût avoir lieu contre cette partie du fort.
Comme sentinelle cependant, cette recrue observait attentivement ce qui se passait autour d'elle; derrière le bastion elle se tenait prête à l'attaque et à la défense tenant baissée sa longue hallebarde. Tout-à-coup elle aperçut devant elle la figure barbue d'un grenadier ennemi qui était sur le point de mettre le pied sur le rempart.
„Ho, ho!“ se dit la recrue, „voilà un drôle hardi auquel je vais montrer le chemin!" et d'un violent coup de pointe elle renverse l'ennemi de l'échelle. Mais voilà qu'un instant après un grenadier barbu lui montre de nouveau les dents, elle entend en même temps une balle siffler à ses oreilles. „Ah, que diantre!" s'écrie la recrue, „te, voilà encore? ne t'ai-je pas bien frappé?" et elle pousse de toute sa force la hallebarde contre la poitrine de son adversaire qui tombe aussitôt à la renverse.
Mais quel fut l'étonnement du jeune guerrier, lorsque pour la troisième fois une figure menaçante apparut. Le valeureux défenseur du rempart pousse un coup encore plus violent que les précédents, se disant: „le drôle se contentera probablement de celui-là". Cependant l'ennemi menaçant et furieux réitère ses attaques, et ne cesse de se montrer qu'après avoir été jeté douze fois dans le fossé.
Au bout de quelques heures, la sentinelle solitaire fut relevée; le sergent lui demanda si rien ne s'était présenté? „Rien de particulier", répondit la recrue, „si ce n'est qu'un grenadier ennemi a osé escalader le mur en cet endroit. J'ai repoussé vigoureusement ce hardi coquin lui assénant des coups qui le faisaient tomber à la renverse dans le fossé, mais il revenait toujours à la charge, et ce n'est qu'après avoir été culbuté douze fois, qu'il a renoncé et qu'il m'a laissé tranquille.“
Le sergent fit aussitôt faire des recherches dans le fossé. A son grand étonnement on y trouva douze grenadiers morts que la courageuse recrue avait précipités de l'échelle l'un après l'autre.
Le commandant de la forteresse instruit de ce fait, récompensa richement ce brave garçon.