La légende du chêne du Diable [Rougemont (Doubs)]

Publié le 21 février 2024 Thématiques: Arbre , Chêne , Diable , Diable défait , Exorcisme , Mort , Origine d'un nom , Pacte avec le Diable , Paysan , Plante , Prêtre | Curé , Trésor ,

Le Diable et le paysan devant le chêne
Le Diable et le paysan devant le chêne. Source Dall-E 3
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Source: Thuriet Charles / Traditions populaires du Doubs (1891) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Chêne du Diable - Bois de Chassagne / Rougemont / Doubs / France

Un pauvre jeune homme de Chassez-les-Montbozon était domestique, il y a environ soixante ans, à la ferme des Rulets, de l'autre côté de la forêt de Chassagne située au centre du quadrilatère que forment les communes de Cubrial, Rougemont, Bonnal et Pont-sur-l'Ognon.

Un jour que ce jeune homme revenait de la foire de Rougemont, où, faute d'argent, il n'avait pu, sans doute, satisfaire toutes ses convoitises, il se livrait, en traversant la forêt de Chassagne, à toutes sortes d'imprécations. « Je voudrais être damné après ma mort, disait-il, et avoir de l'argent pour jouir des biens de ce monde. »

Voilà que, tout à coup, au pied d'un grand chêne où tous les chemins de la forêt viennent aboutir, un monsieur vêtu de noir lui apparut et lui dit :
« C'est de l'argent que tu veux, mon ami, pour faire le garçon; eh bien! je vais t'en donner. Prends cette bourse remplie d'or. Je te permets d'en user au gré de tes désirs. Je mets toutefois une condition à mon bienfait. J'exige que tu me promettes de revenir ici, sous ce chêne, dans un an à pareil jour, pour recevoir de moi une autre récompense. » Le garçon promet et accepte la bourse. Mais il n'est pas plutôt en possession de cette maudite bourse qu'il perd le sommeil et l'appétit. Il ne désire plus rien. L'envie ne lui vint même pas de faire le moindre usage de sa fortune. Il maigrit à vue d'œil et on désespère de sa santé.

Il révèle enfin à ses maîtres ce qui lui est arrivé sous le grand chène de la forêt de Chassagne, en revenant de la foire de Rougemont. On en cause; le bruit de cette aventure se répand et émeut tout le voisinage. On consulte sur la maladie du jeune homme les médecins, les empiriques et même les vétérinaires des environs. Ils déclarent tous que sur ce cas extraordinaire leur science est à court.

Les curés de Pont, de Bonnal et de Chassey, consultés à leur tour par les maîtres et les parents du pauvre malade, délibérèrent en conférence et déclarèrent que ce ne pouvait être que le diable en personne qui lui est apparu sous le chène de la forêt de Chassagne,

On commence par jeter dans un gouffre de la rivière, en amont de Bonnal, la bourse maudite que l'on se garde bien d'ouvrir : elle était d'un cuir ardent qui répandait une odeur insupportable; et, tant pour guérir le garçon que pour délivrer la contrée de la présence du diable, on prend la résolution d'aller, au jour marqué par le pacte infernal, en procession solennelle, dans la forêt de Chassagne, pour y exorciser le jeune homme et l'arbre maudit. Le garçon consent à être conduit par les prêtres au pied de l'arbre.

Une foule nombreuse assistait à cette étrange cérémonie et plusieurs vieillards du pays se souviennent bien d'y avoir été; — car ceci est bel et bien de l'histoire contemporaine et non un conte fait à plaisir. — Les prêtres étaient revêtus de leurs surplis et de leurs étoles. En arrivant auprès de l'arbre, le jeune homme s'écrie: « Le voilà! Le voilà! Délivrez-moi du mal qui me tourmente! » Et il se débat dans d'affreuses convulsions. Aucun des assistants ne vit le diable; mais les prètres prononcèrent des paroles sacrées, en jetant force eau bénite sur le garçon et sur le tronc de l'arbre. A l'instant, le jeune homme, qui n'avait pas dormi depuis un an, se trouva plongé dans un profond sommeil. On fut obligé de le ramener sur une voiture, et il ne survécut que peu de temps à cette épreuve.

On montre encore dans la forêt de Chassagne, sur le bord du chemin qui conduit du pont de l'étang de la Vaivre à la ferme des Rulets, un gros vieux chêne qui fait peur aux passants et qui, en souvenir de la circonstance que l'on vient de rappeler, est encore désigné par les bûcherons sous ce nom terrible : le Chêne du Diable.


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