A cent pas de la hauteur de Palente, en descendant sur Chalezeule, on voit dans un pré qui avoisine la route, à droite, une grande pierre plate, presque couchée au ras du sol. Cette pierre est toujours d'une propreté admirable. On croirait qu'elle est continuellement lavée par les pluies ou balayée par les vents. Elle ne garde point la souillure qu'y dépose le pied des passants; la boue et la poussière ne s'y attachent jamais et la mousse n'y peut pas croître. C'est que, mes enfants, une main de fée invisible l'époussette et l'essuie. Cette table de pierre, savez-vous, recouvre le palais souterrain des bonnes fées de la Roche: c'est la pierre aux fées.
Un jour, c'était la veille d'une grande fête, le père Ramelot, de Palente, labourait un champ voisin avec un petit valet de charrue qui fouettait les bœufs. Il crut entendre qu'on pétrissait dans la grotte aux fées; puis il ne tarda pas à humer franchement la bonne odeur du gâteau. Il arrête un moment sa charrue pour venir crier par trois fois devant la roche, en ôtant son bonnet :
Jugez de leur surprise! Quand ils ont terminé leur sillon, nos deux laboureurs aperçoivent, sur la pierre aux fées... quoi!... une belle nappe éclatante de blancheur, avec un beau gâteau doré et un petit couteau d'argent dessus. Ils s'empressent de faire honneur au goûté qui leur est servi; puis le repas terminé, ils se remettent à leur besogne. Mais voilà que la roue gauche de leur charrue se met à gémir d'une étrange façon. A chaque tour qu'elle faisait, elle semblait dire : Rends ce que dois! rends ce que dois! rends ce que dois! « Valet, demande le Ramelot, aurais-tu pris quelque chose à ces bonnes fées? Non, maître, je ne leur ai rien pris. » Pourtant la roue ne discontinuait pas sa plainte. C'était donc bien sûr, on avait dû prendre quelque chose aux bonnes fées. « Allons, valet, dis-moi, n'as-tu rien pris? – Eh bien si fait, j'ai caché dans ma poche leur petit couteau. »
– Et ce petit couteau d'argent, oncle Jean, l'a-t-il rendu?
– Certainement, sans quoi la charrue crierait encore.
– Mais comment la roue pouvait-elle parler ?
– Une fée s'était cachée dedans.
– Ah! nous entendrions bien plus souvent parler les bonnes fées, si nous étions plus attentifs.
Cette légende a été imprimée pour la première fois dans la Revue littéraire de la Franche-Comté, 3o année, page 69.
Près de Ville-du-Pont (Doubs), on aperçoit dans un rocher des bords du Doubs la porte cintrée d'une caverne. C'est là aussi, dit-on, que les fées bienfaisantes viennent, comme à leur four banal, faire cuire leurs gâteaux.