La légende de la poule du Parfilet [Renwez (Ardennes)]

Publié le 15 janvier 2023 Thématiques: Animal , Enfant , Mort , Poule , Prière , Punition , Vierge , Vol ,

Une poule sur la route
Une poule sur la route. Source Midjourney (IA)
ajouter aux favoris Ajouter une alerte en cas de modification augmenter la taille du texte reduire la taille du texte
Source: Meyrac Albert / Traditions, légendes et contes des Ardennes (1890) (2 minutes)
Lieu: Mont Parfilet / Renwez / Ardennes / France

Sur une colline élevée au nord-ouest de Renwez et qui s'appelle le mont Parfilet, au ras d'un petit sentier que fréquentaient seuls les seigneurs de Lonny lorsqu'ils se rendaient à leur château de Montlieu, se voyait autrefois, il y a plusieurs siècles, une maison d'aspect fort simple, habitée par un chauffournier, père de plusieurs enfants. Or, au nombre de ces enfants il y en avait un dont la chronique n'a pas conservé le nom et qui faisait le désespoir de ses vieux parents : ivrogne, querelleur, toujours par voies et par chemins, comme un bandit de grande route. Pour satisfaire ses goûts dépravés, il lui aurait fallu d'énormes richesses, et son père ne pouvait que lui donner le peu d'argent, produit de son four, ou qu'il gagnait en vendant le lait de ses deux vaches et les oeufs de ses poules.

C'est justement sur ces poules que ce mauvais garçon avait jeté son dévolu. Chaque jour, il en volait une, la vendait, puis allait boire au cabaret les quelques sous qu'il en retirait. En vain le chauffournier se demandait où passaient ses poules : elles ne pouvaient être, pensait-il, prises que par le diable. Sans doute, il arrivait par la cheminée, ou même par le trou de l'évier, car la maison, toujours fermée, éloignée de toute habitation, et le jardin bien clos, n'étaient guère accessibles aux voleurs.

N'y tenant plus, il se rendit un jour à Renwez, entra à l'église et s'agenouillant au pied de l'autel consacré à la Vierge, il fit cette prière : — Ô Sainte Vierge Marie, mère de Dieu, protectrice des affligés, ayez pitié de moi et de ma famille exposés à mourir de faim, de misère, si vous ne mettez un terme aux maléfices de Satan et si vous ne lui ordonnez de ne plus me voler mes poules. Oh ! Sainte Vierge Marie, mère de Dieu, ayez pitié de moi ! exaucez-moi! 

Cette prière terminée, le chauffournier rentra chez lui. Le soir, comme d'habitude, il se coucha et s'endormit. Mais, vers les dix heures, il fut réveillé par de petits coups secs, repétés, venant du dehors et frappés à sa porte. Il ouvrit; c'était une de ses poules qui faisait ce bruit. Il la prit, la porta au poulailler, compta et vit, la fugitive revenue, que son nombre y était. 

Le lendemain, vers les midi, le chauffournier travaillait à son four, lorsque le plus jeune des enfants arriva, courant à lui, tout essoufflé : « Papa ! papa ! cria-t-il, le frère est tombé dans un trou à Parfilet ! » En toute bâte il s'y rendit et trouva, en effet, son malheureux garçon mort au fond d'un précipice tout nouvellement creusé. La terre s'était donc entr'ouverte sous les pas du voleur et c'est en tombant qu'il avait lâché cette poule rentrée pendant la nuit et dérobée par lui pour être vendue à Remvez.

La légende ajoute que pendant longtemps, très longtemps, une fois l'année, à dix heures du soir, l'âme de ce malheureux, sous la forme d'une poule, errait sur la route qui conduisait à la maison du chauffournier. Aujourd'hui on ne rencontre plus cette poule, mais on voit encore le précipice non comblé au fond duquel mourut, si durement châtié, le fils du chauffournier.


Partager cet article sur :