La montagne aride et pittoresque du Châtelet, se trouve vis-à-vis Andancette, sur la rive droite du Rhône. Andance se trouve au pied de cette montagne, tout auprès de riches et fertiles vallons.
Dépendance de Figline aux jours de la domination romaine, Andance secoua le joug au Moyen-Age, reprenant sous ses remparts crénelés et à l'ombre de ses tours féodales, la puissance de son ancienne maîtresse.
Les guerres de religion ont longtemps campé devant Andance, et promené sur son rivage la terreur et la mort.
Alors, trois croix de pierre s'élevaient à la place des trois en bois noir, qui couronnent aujourd'hui le sommet de la colline.
Des hommes, des démons plutôt, soldats du lieutenant du terrible baron des Adrets, les ont renversées en un jour de colère, furieux qu'ils étaient de la mort de leur chef vaincu par le désespoir sublime d'une jeune fille de seize ans.
L'église du village était en feu, les maisons des paysans fumaient au bas de la colline, les paysans chassés comme des bêtes fauves, erraient au loin tremblants d'effroi dans les montagnes.
Seule, forte par son courage, sa résignation et sa confiance en Dieu, une jeune fille, une pauvre enfant priait à genoux les mains jointes et les yeux pleins de larmes, devant le signe de la rédemption.
« Mon Dieu! mon Dieu! s'écriait-elle, éloignez de nous le fer qui tue, et la torche qui brûle; loin de nous les hommes méchants qui renversent les autels, massacrent vos prêtres et brisent vos croix.
Loin de nous les impies qui blasphèment votre nom trois fois saint, et celui trois fois béni de la Vierge immaculée, votre auguste mère. »
La jeune fille était jolie, plus que jolie, elle était belle.
On eut dit un ange descendu sur la terre pour apprendre aux hommes de bonne volonté comment au ciel on priait Dieu.
De pieuses larmes, perles d'amour et d'innocence tombaient de ses yeux, pour s'unir aux prières ardentes qui s'échappaient de son âme.
Le farouche huguenot l'aperçut et l'entendit. Loin de nous, disait-elle encore, loin de nous ô mon Dieu! ces maudits qui flétrissent les femmes et violent les tombeaux, loin de nous.......
— A moi la jeune fille qui pleure et qui prie, s'écria le soldat en s'élançant sur elle; à moi ses larmes et ses prières, à moi ses.........
Mais la jeune fille était plus forte encore qu'elle était belle.
– Arrière soldat, dit-elle, en faisant luire à ses yeux la lame d'un poignard, et lui montrant à ses pieds la profondeur de l'abîme.
Mais le soldat était aussi brave qu'il était féroce, il s'avança toujours, le poignard glissa sur son armure, le bras de la jeune fille glissa dans son gantelet d'acier.
– Me suivras-tu bien jusqu'ici? continua la pieuse enfant, en faisant un dernier pas sur la dernière pointe du rocher.
– Je te suivrai jusques à la mort pour t'avoir vivante.
– Eh bien! viens donc alors, je t'attends !
Le soldat s'élança de nouveau sur elle les bras ouverts, l'œil enflammé et l'imprécation aux lèvres; mais cette fois, la jeune fille ne repoussa plus son étreinte, s'enlaçant à lui de toutes ses forces, elle fit un bond et se lança dans le précipice.
Alors de l'autre côté du fleuve, on vit deux corps qui tournoyaient dans l'espace et on entendit deux voix, une voix céleste qui disait : Jésus Marie! Une voix infernale qui clamait : Malédiction.
Un instant après on releva deux cadavres au pied de la colline : un seul était sanglant et brisé.