La légende des roses de la Dame de la Voulte [La Voulte-sur-Rhône (Ardèche)]

Publié le 27 juin 2024 Thématiques: Château , Fleur , Générosité , Miracle , Noblesse , Pauvre , Transformation ,

Château de La Voulte
Château de La Voulte. Source M.Minderhoud, CC BY-SA 3.0 <http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/>, via Wikimedia Commons
ajouter aux favoris Ajouter une alerte en cas de modification augmenter la taille du texte reduire la taille du texte
Source: Balleydier, Alphonse / Les Bords du Rhône de Lyon à la mer: chroniques, légendes (1843) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Château de La Voulte / La Voulte-sur-Rhône / Ardèche / France

Pendant plus de trois siècles, les Anduze, les Bermond, les Gilbert de Lévis, les Ventadour, tous seigneurs de La Voulte, ont bravement combattu auprès des Philippe-Auguste, des Duguesclin, des Richemont, des Dunois et des Montmorency.
Vainement j'ai demandé ces noms aux habitants du pays, hélas ! il les ont oubliés, il ne les ont jamais sus, peut-être.

Cependant un vieillard m'a retenu sur le seuil d'une petite porte encadrée dans les murailles épaisses du castel [de La Voulte] pour me parler de la bonne Duchesse.
C'est par là, m'a-t-il dit, que la bonne Marguerite aimait à s'évader chaque jour pour aller seule, accompagnée de ses vertus et de sa bienfaisance, auprès des malheureux qui souffraient.
Elle était si heureuse de faire le bien et de soulager les pauvres, que son petit pied glissait comme l'aile d'un oiseau du bon Dieu sur les pierres aiguës de nos rues tortueuses.

Mais il fait bien chaud ici, me dit le bon vieillard, venez chez moi nous y trouverons de l'ombre et une bonne bouteille de Saint-Peray que nous boirons ensemble pendant que je vous raconterai une histoire.
Je suis comme les enfants, j'aime beaucoup les histoires, sans dédaigner le Saint-Peray, vous le savez. Je suivis donc mon aimable cicerone, et quelques instants après, choquant son verre contre le mien, il reprit ainsi :

En 1593, Marguerite de Bourgogne épousa le très haut Anne de Lévis, duc de Ventadour.
Vertueuse et sainte, autant que son seigneur et maître était vaillant et brave, la nouvelle châtelaine de la Voulte forma dès-lors la résolution de se vouer toute entière au bonheur du peuple qui l'aimait déjà et se plaisait à l'entourer d'hommages et de vénération.
Lorsqu'elle paraissait au milieu de ces braves. gens, c'était partout transports et acclamations de joie.
Ce bon peuple l'entourait au point d'étouffer la haquenée blanche qui la portait.
Hommes et femmes, tous voulaient embrasser et son pied si joli, et sa main tant pleine de bonnes œuvres.

L'union la plus parfaite régnait entre les deux époux, lorsqu'un jour l'intendant du château se présenta pále et tremblant devant le duc de Ventadour:
– Monseigneur, lui dit-il, les prodigalités secrètes, les aumônes inconsidérées de madame la duchesse ruinent votre maison; il est temps de mettre un terme à sa charité, ce matin elle a vidé sa cassette, et ce soir..... – Eh bien! ce soir, achève donc, s'écria le duc, en fronçant le sourcil.
– Elle portera ses diamants, reprit l'intendant, elle portera tous ses joyaux à un juif mandé secrètement de Valence pour les acheter.

Quand le soir fut advenu, le sire de la Voulte s'embusqua tout près de la petite porte par où passait ordinairement Marguerite.
L'intendant avait dit vrai la bonne duchesse ne tarda pas à paraître.
— Où vous rendez-vous ainsi, lui dit le duc, en la saisissant au bras, à cette heure de nuit?
– Je descends à la ville, répondit en tremblant Marguerite.
– Qu'allez-vous faire à la ville? le ciel n'a pas une étoile à vous prêter pour éclairer vos pas, tant la nuit est sombre.

Marguerite baissa les yeux et ne répondit rien.
– Que portez-vous là, madame, dans cette corbeille ? mais parlez-donc.

Marguerite devint pâle comme le linceul d'une morte. Je porte des roses, répondit-elle en tremblant davantage encore des roses pour orner l'autel de Notre-Dame de Confalon.

Des roses, madame, au mois de janvier ! lors que le Rhône et tous mes arbres sont gelés. Par Dieu! vous mentez, madame.

Disant ainsi, le duc furieux, pourpre de colère, ouvrit précipitamment la malencontreuse corbeille..... elle était remplie des plus jolies roses blanches et rouges, que le plus joli mois de mai ait jamais pu produire.

Le prodige était manifeste. Le duc mit un genou en terre, se signa, et, baisant la main de sa vertueuse épouse, pardonnez-moi, lui dit-il. Depuis ce temps il ne mit plus d'obstacles à la charité de la bonne et belle duchesse.

Bien loin de se ruiner, il acquit en peu de temps une fortune énorme.


Partager cet article sur :