Un fait à peu près semblable à celui de Saint Bandry est rapporté dans la vie de Saint Gobain qui vivait un siècle plus tard. Donc vers 660 un étranger, qui s'était livré dès sa jeunesse à la pratique de la vertu et aux saintes lettres, avait quitté son pays, franchi le détroit qui sépare l'Hibernie de la France pour venir dans nos contrées forestières. Cet homme n'était autre que Saint Gobain. Elevé au sacerdoce par Saint Fursi, il s'était rendu à Laon pour y visiter l'église de Sainte-Marie dont le glorieux renom s'étendait au loin.
Plein d'amour pour la solitude, Gobain avait résolu de fuir le monde et de se retirer dans un désert. « A cet effet, dit Melleville, appuyé sur un bâton, il partit et s'enfonça dans la vaste forêt de Voas. Vers le soir, harassé de fatigue, il s'arrêta sur une colline nommé le Mont-Ereme, c'est à-dire le mont inculte, et fichant son bâton dans la terre, il se coucha sur des feuilles sèches pour se livrer au repos, afin de pouvoir recommencer sa course le lendemain. »
« Il s'éveilla en effet à l'aube du jour et s'apprêta à continuer sa recherche d'un lieu solitaire propre à construire un ermitage; mais au moment où il voulut reprendre son bâton, une source abondante s'échappa d'un trou formé dans la terre par la pointe de ce même bâton. A la vue de ce miracle, Saint Gobain reconnut que ce lieu lui était destiné de Dieu, et il résolut de s'y arrêter. Il y éleva une cellule et un petit oratoire qu'il dédia à Saint Pierre, et cet endroit prit dès lors le nom de Mont de l'Ermitage qu'il garda pendant toute sa vie. »
Plus tard, quand on construisit l'église actuelle, on enferma cette source dans une crypte ou chapelle souterraine très curieuse et parfaitement conservée. C'est un édifice ogival reposant sur deux colonnes centrales d'où partent d'élégantes nervures qui se ramifient dans la voûte pour en soutenir les parois. Des arcatures en forme de niches se profilent le long des murs latéraux. C'est dans une de ces niches pratiquées dans le mur de refend au midi que se trouve renfermée la source qui n'a cessé de couler abondamment depuis le prodige opéré par le bâton, bien que placée sur un des points les plus élevés.
Le martyre que souffrit en ce lieu le saint Anachorète, les miracles qui s'opérèrent journellement à son tombeau, donnèrent dès lors naissance à un pèlerinage qui subsiste encore.