Lorsqu'on quitte Gérardmer pour aller au Tholy en suivant les bords du lac, arrivé à la section du Beillard, la route traverse un bois de sapins et d'épicéas. Presque à l'entrée, un sentier s'enfonce à droite, pour se bifurquer un peu plus loin et conduire en quelques minutes à un petit oratoire rustique toujours orné de fleurs, garni d'ex-voto et fréquenté seulement par les gens du pays, car il est à peu près inconnu des touristes.
Une madone légendaire est placée là dans un sapin, et voici son histoire, telle qu'elle a été racontée par les témoins oculaires de l'événement :
En 1850, le sagard de la scierie, qui existe encore non loin de l'endroit où s'élève la chapelle, était occupé un beau jour à débiter en planches un énorme sapin qui avait grandi et vieilli dans la forêt voisine.
Tout-à-coup, sans cause apparente, la scie s'arrêta net. L'eau continuait à tomber sur les aubes de la roue, le mécanisme était en bon état, il n'y avait rien de brisé, rien ne manquait, et cependant rien ne fonctionnait plus !...
De mémoire de sagard, pareille chose ne s'était produite; aussi, après avoir étudié, examiné, cherché, crié, grondé, tempêté, le brave homme se décida-t-il à scier la tronce en travers à côté de l'obstacle, et quelle ne fut pas sa surprise de voir que toute la force motrice de son usine, une force considérable, s'était simplement arrêtée au contact de la scie contre un mince grillage en fil de fer protégeant dans l'intérieur du bois une statuette de la Sainte Vierge!
A la nouvelle du prodige, les voisins accoururent.
La madone fut extraite du bois, qui s'était refermé sur elle, puis on la transporta respectueusement à l'église paroissiale.
Dès le lendemain, elle avait disparu, et un bûcheron la retrouvait par hasard sur un jeune sapin, celui-là même où on la vénère aujourd'hui.
Estimant que cette place n'était point digne d'elle, les fidèles des environs la reportérent à l'église, mais elle revint de nouveau à l'arbre privilégié.
Trois fois on recommença, trois fois le miracle eut lieu.
Il fallut bien alors se rendre à l'évidence: la Sainte Vierge voulait être toujours honorée au lieu même où une main pieuse l'avait placée jadis, à une époque inconnue.
Depuis lors, elle est restée à cet endroit.
Chacun a contribué à l'érection de la chapelle, et le petit sanctuaire a conservé le nom de « Notre-Dame-de-la-Brûlée », appellation bizarre motivée sans doute par un fait particulier, dont personne actuellement n'a gardé le souvenir. [...]