On n’avait pas fait dire de messes pour les âmes des naufragés de la Belle-Rosalie, un trois-mâts perdu.
Au mois de novembre, le jour des morts, un peu avant le crépuscule du matin, Madeleine, fiancée à Pierre, le timonier du navire, et sa sœur Marie, se rendent à la jetée. Le temps est glacial, la mer affreuse. A l’horizon, du sein des brumes, se détache tout à coup la forme d’une carcasse de navire, la voilure, les mâts. La vision s’approche… Ce sont eux! Ce sont eux! Les voilà là-bas ! Vois-tu, Marie ? Marie ne voit pas d’abord, mais Madeleine voit si clairement que Marie finit par voir comme elle.
Oh! les pauvres malheureux ! Et leur bateau ! Quel air sombre !… Tiens, tu ne diras plus que tu ne les vois pas ? Ils vont entrer… Vois-tu Pierre qui tient la barre et qui nous reconnaît. Les autres aussi… Voici qu’ils nous tendent les bras. Oh ! qu’ils sont pâles !… Pâles jusqu’aux cheveux.
Un rayon du triste soleil de novembre se glisse à travers les brumes. La cloche de la première messe sonne, et le navire disparait.