A une petite distance du village d’Arvillars, se trouvent les ruines de l’abbaye de Saint-Hugon. […]
D’Arvillars, un chemin rapide, passant à travers les plus plantureuses végétations, longe un torrent qui bondit de cascades en cascades, et le bruit de ces chutes successives retentit au loin dans la profondeur du vallon où les chartreux avaient établi une de leurs nombreuses retraites. Pénétrons dans ce vallon, qui ne ressemble plus au chemin qui y conduit. Ici, c’est un désert. Impraticable, sauvage, désolé. Ce lieu méritait d’attirer l’attention des hommes que la foi et l’abnégation portent à s’éloigner du monde pour se livrer à la vie contemplative. Aussi, en l’an 1170, à la suite d’une vision merveilleuse qui indiquait la volonté de Dieu, plusieurs seigneurs, tant de la Savoie que du Dauphiné, déférant aux exhortations de Béatrix, comtesse de Genevois, unirent-ils leurs efforts pour attirer en ces lieux les disciples de saint Bruno, le glorieux fondateur de l’ordre des Chartreux. Saint Hugon, évêque de Grenoble, et ami de saint Bruno, obtint cette faveur, et la vallée qui s’appelait le Val de Bains prit le nom de Val de Saint-Hugon, pour honorer le saint évêque.
Les religieux, sous la conduite du prieur Nantelme, se mettent à cette œuvre de civilisation pour laquelle les temps modernes n’ont pas montré toute la reconnaissance qu’elle méritait. Ils défrichent la forêt, bâtissent le monastère, ensemencent les terres et donnent l’exemple du travail et de toutes les vertus. Mais un incendie se déclare dans le monastère à peine construit, et les détermine à le reconstruire sur un autre emplacement, à quelque distance de là. Nouvel incendie qui les oblige encore à de nouvelles constructions. Enfin, la construction s’achève, et le jour de la dédicace de l’église est fixé. Cette cérémonie fut signalée par un miracle éclatant. Le Saint-Chrême, apporté du ciel par une main invisible, coula sur l’autel, et l’onction divine consacra le temple de la nouvelle Chartreuse.
Le fameux 93 a failli passer sans toucher aux biens que les Chartreux possédaient en Savoie. Les Domaines s’étaient emparés de ceux qu’ils possédaient en France; mais les paysans des environs se chargèrent de rétablir l’équilibre, et la Chartreuse de Saint-Hugon fut pillée et dévastée, de telle sorte qu’elle ne s’est point relevée de ses ruines.