La légende des frères ennemis de Bornhofen [Kamp-Bornhofen (Rhénanie-Palatinat / Allemagne)]

Publié le 25 mai 2023 Thématiques: Avarice , Château , Duel , Fratricide , Frères , Mort , Noblesse ,

Les châteaux des frères ennemis
Alexander Hoernigk, CC BY-SA 4.0 , via Wikimedia Commons
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Source: Kiefer F.J. / Légendes et traditions du Rhin de Bâle à Rotterdam (1868) (2 minutes)
Lieu: Château Sterrenberg / Kamp-Bornhofen / Rhénanie-Palatinat / Allemagne
Lieu: Château Liebenstein / Kamp-Bornhofen / Rhénanie-Palatinat / Allemagne

Les tristes débris d'un antique château couvrent les hauteurs près de Bornhoven et se mirent dans les flots verdâtres du fleuve. Mais ces restes des temps de la chevalerie ne sont ni romantiques ni augustes, ils n'attirent point le voyageur, ainsi que le font tant d'anciens châteaux, tant de vieilles ruines du Rhin, par de gracieux entourages, par des paysages toujours variés et toujours agréables; les pierres grises qui sont encore debout sur la cime de la montagne ont un air sombre et mélancolique, le champ d'alentour est sec et stérile, couvert de bruyères et de broussailles, çà et là on voit une pauvre cabane et une figure humaine exténuée par la fatigue et le besoin. C'est un tableau triste auquel la nature refusa tout ornement, tout charme; toute cette contrée fait sur le voyageur une impression pénible et étrange, dont personne ne sait se rendre compte, mais que l'on éprouve malgré soi en présence de prisons ou de lieux de supplice.

Si vous demandez, comment ces hauteurs désertes et désagréables ont pu être choisies pour logement de chevaliers, on vous répond, que la malédiction du ciel ne repose sur cette contrée que depuis que deux frères y ont commis des méfaits horribles et qu'ils s'y sont détruits eux-mêmes avec une rage satanique.

Dans ce château, jadis l'orgueil de la contrée, demeurait un chevalier puissant et riche, qui laissa en mourant à ses deux fils et à sa fille d'immenses biens et des trésors en monnaie. Mais toute cette fortune avait été amassée par exaction et rapine, tout ce qui respirait dans la contrée maudissait le chevalier, et lorsqu'il mourut chacun pensait que ces grandes richesses acquises par l'injustice, conservées par l'avarice ne pouvaient jamais porter bonheur.

Les frères étaient avares comme leur père, la sœur douce, pieuse et simple comme sa mère trop tôt enlevée d'ici bas. La pauvre fille fut horriblement trompée lors du partage de l'argent qui se mesurait par boisseaux, parce que, incapable d'y assister elle-même, elle s'exposait à l'arbitraire et à la malice de ses frères. Elle se hâta de donner sa part à des établissements pieux, et à fonder des lieux de dévotion, puis elle se rendit dans un couvent pour y finir ses jours dans une calme solitude.

Les frères dont les parts s'étaient accrues de tout le vol qu'ils avaient fait à leur sœur, ne purent s'accorder entr'eux lors du partage du butin. Les champs, les bois, les vignobles, tout fut occasion de querelle et de dispute; la haine et l'animosité aidant, une séparation complète eut lieu. Ceux que la nature avait destinés à vivre dans la paix et la concorde, se combattaient, dans leur fatal aveuglement, pour des objets du patrimoine tellement minimes qu'ils ne valent pas la peine d'être mentionnés. Ils furent dès lors ennemis jurés.

Il manquait encore à l'explosion de leur différend l'étincelle dévorante, l'étincelle de la jalousie qui fit éclater leur rage funeste. Or, la voici. Tous les deux aimaient la fille d'un comte châtelain du voisinage, elle possédait l'art de les enchaîner par sa coquetterie. Il n'en fallut pas davantage pour décider les frères à se battre à l'épée.

On se détourne involontairement de cette idée inhumaine.

La mauvaise étoile qui présidait à toutes les actions de ces frères dénaturés, ne fit pas défaut au duel. Dans leur rage aveugle, ils coururent l'un contre l'autre, se transperçant mutuellement de leurs armes, et exhalant en même temps leurs âmes criminelles,


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