La légende de la Vierge à l'anel de Notre-Dame [Paris (Paris)]

Publié le 27 janvier 2023 Thématiques: Amour , Amour impossible , Or , Statue , Statue de la Vierge , Vierge ,

La Vierge du portail nord
Visions of Domino, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons
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Source: de Ponthieu Amédée / Légendes du vieux Paris (1867) (2 minutes)
Lieu: Cathédrale Notre-Dame de Paris - Portail Nord - La vierge à l'anel / Paris / Paris / France

Sur l'un des piliers du portail septentrional, se dressait une statuette célèbre au treizième siècle sous le nom de la Vierge à l'anel, à cause de la légende mystique que je vais raconter en lui donnant un coup de pinceau :

Parmi les élèves de l'école épiscopale, qui venaient prendre leurs ébats sur le préau du cloître, se trouvait un mignon garçonnet au clair visage et aux blondins cheveux. Il avait au doigt un gage d'amour de sa mie, un anneau d'or fin tout neuf, échangé la veille bien amoureusement à la nuitée, sous les saules discrets de la rive qui longe le Marché-Palu.

Craignant de l'endommager en jouant à la pelotte, il fureta le long des contreforts, cherchant une cachette pour mettre son anneau en lieu sûr. En levant les yeux il avisa l'image de la Vierge, au ris gracieux, brillamment enluminée et parée d'offrandes, il la trouva si belle, et ses yeux si azurins, qu'il tomba en extase d'amour, ploya le genou et lui dit : « Belle dame ! si tant doucette et mignonnette, blanche et pure comme fleur de lys, je ne veux aimer que vous, jamais plus ni femme ni pucelle ne touchera mon coeur et, pour gage de ma foi jurée, acceptez cet anel si joli.»

A peine a-t-il fini son amoureuse oraison, que la statue s'anime et, au contact de l'anneau, plie le doigt de telle façon qu'on n'aurait pu le lui reprendre qu'en le brisant, montrant par là que son amour agréé ne devait finir qu'avec la mort. A cette vue, l'effroi gagne le mystique fiancé ; il pousse des cris et court conter le prodige aux chanoines, qui lui prouvèrent qu'à moins de félonie, il devait se consacrer à madame Marie, devenue son unique amie.

Mais l'amour charnel était de la partie ; il revit sa fiancée des saules, oublia son serment et se maria. Or, il advint que la nuit de ses noces, comme il s'étendait mollement et amoureusement auprès de sa nouvelle épouse, un sommeil invincible s'empara de tout son corps, et, dans un rêve agréable, il vit la Vierge à l'anel couchée entre lui et sa femme, lui mettant le doigt sur son gage et lui reprochant mélancoliquement d'avoir failli à sa promesse d'amour.

Cette vision tendre le réveilla, il chercha la vierge, elle n'était plus là.

De rechef le sommeil allourdit ses paupières, de rechef aussi, la Vierge à l'anel revint se placer à ses côtés, mais cette fois fière et dédaigneuse, prête à châtier sa foi mentie.

A cette menace il saute de sa couche, ne touche pas à sa femme crainte de mort, et s'enfuit jusqu'à ce que rencontrant un désert, il y trouva un bon ermite qui lui bailla l'habitde moine et, « à Marie le maria » dit un jovial conteur.

Depuis, tous les écoliers amoureux venaient en pèlerinage à la Vierge à l’anel qu'ils chargeaient de fleurs, d'anneaux et de bouquets d'amour; enguirlandés de devises, la priant de rendre leurs mies parisiennes constantes et fidèles, ce qui était déjà difficile, parait-il. C'est ainsi que la crédulité populaire faisait de la vierge Marie, au pied même de Notre-Dame, une Vénus chrétienne, et métamorphosait les anges en petits gamins de Cythère.


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