Les légendes de Saint Marcel [Paris (Paris)]

Publié le 27 juin 2023 Thématiques: Délivrance , Diable , Dragon , Forgeron , Légende chrétienne , Miracle , Monstre , Monstre dompté , Saint Marcel , Saint | Sainte , Transformation , Vin ,

Saint Marcel et le Dragon
Dezidor, CC BY 3.0 , via Wikimedia Commons
ajouter aux favoris Ajouter une alerte en cas de modification augmenter la taille du texte reduire la taille du texte
Source: de Ponthieu Amédée / Légendes du vieux Paris (1867) (3 minutes)
Lieu: Rue aux Fèves (disparue) / Paris / Paris / France
Motif: B11.9: Le dragon, force du mal B11.11: Combat avec un dragon

C'est dans une des maisons [de la rue aux Fèves] que naquit saint Marcel, neuvième évêque de Paris, actuellement bourgeois de Paradis, dit la chronique.

C'est devant cette maison bénie, que tous les ans, à la procession solennelle de l'Ascension, le chapitre de Notre-Dame faisait une pieuse station ; car la vénération de nos pères pour ce saint évêque était grande, et les générations successives se transmirent le récit des miracles dont la Cité avait été témoin.

Aux veillées parisiennes, les bourgeois racontèrent longtemps ses nombreuses légendes.

[Une légende raconte que saint Marcel enfant venait y jouer avec les apprentis, et que lui-même s’exerçait à l'oeuvre fabrile [de la forge]. Un jour il fut calomnié auprès du maître, qui, pour le forcer à désobéir afin d'avoir un motif pour le punir, lui commanda de prendre avec ses mains un fer chaud dans la fournaise et de dire combien il pesait. Le saint, plein de confiance en la protection de Dieu, et sachant qu'il faut toujours obéir, avança la main au milieu du brasier, en retira, aussi tranquillement que s'il tenait une pince, un morceau de fer et dit : « il est chaud comme feu et pèse neuf livres, » ce qui fut trouvé vrai, pesé au poids.]

Du temps qu'il n'était encore que sous-diacre de Saint-Prudence, il lui servait tous les jours la messe. Un jour d'Épiphanie, au moment de monter à l'autel, le vin manqua, dérobé par des larrons; il courut à la Seine chercher de l'eau, et, quand il présenta son amphore à l'évêque, elle fut trouvée pleine d'un vin si suave, qu'il servit à la célébration du saint office, et les fidèles communièrent avec ce vin miraculeux. Une autre fois qu'il versait de l'eau sur les mains de Prudence, le liquide prit soudain un parfum de beaume qui émerveilla l'évêque.

Un jour qu'il officiait au moment solennel de la communion, chacun approchait pour prendre sa part du pain consacré; parmi les assistants un homme qui avait les mains liées derrière le dos restait debout, immobile, retenu par la crainte et la honte. Marcel voyant tout le monde passer avant lui et se doutant de quelque ruse du malin esprit alla droit sur lui et dit : « Que restes-tu ainsi ? qui te retient? » Il répondit qu'il avait offensé Dieu en venant à la messe. Le saint homme alors lui imposa les mains; lui dit d'approcher sans crainte et il fut délivré aussitôt.

Mais le miracle qui le rendit si populaire est sa victoire remarquable sur un dragon, victoire qu'une foule de bas-reliefs représentèrent dans les églises aux encoignures des ruelles et dans les enseignes.

Il y avait à Paris une dame de noble race, mais vile et crimineuse de vie. Quoique ayant un mari, elle se complaisait en voluptés et paillardises. Morte, son corps fut enterré hors de la ville et pas en terre bénite, selon lit chrétienne coutume.

Par punition divine, un moult grand dragon, qui était en la forêt voisine, venait de fois et d'autres au tombeau de ladite femme, et fouillait dans son cercueil pour se repaître de ses membres impurs. Ce spectacle était si horrible à voir que plusieurs en mouraient. Ses parents et amis dénoncèrent le dragon à saint Marcel, qui vint batailler contre lui.

Le voyant s'élancer du bois et venir au tombeau de la femme damnée, le saint se mit en prière et marcha bravement au-devant de lui.

Il lui frappa trois fois sur la tête avec son bâton pastoral; le dragon baissa son horrible tête, applaudissant de la queue avec grande humilité, en implorant merci.

Il lui mit son estole au col, l'emmena en triomphe au milieu des citoyens ébahis d'un si haut miracle, et, l'ayant conduit hors de la ville à distance de trois milles, l'increpa en ces termes : « Ou t'en va au désert, ou t'en va jeter à la mer! »

Le dragon obéit aussitôt, et, depuis, oncques ne fut vu..

Nous voyons encore ce saint évêque au portail des plus anciennes églises de Paris, le pied sur le dragon légendaire qu'il dompta avec le secours divin.

C'était en commémoration de ce merveilleux exploit qu'il était d'usage de promener, au jour des Rogations, dans Notre-Dame et les rues de Paris, un énorme dragon d'osier, dans la gueule béante duquel les plus adroits de la foule jetaient des fruits et des pâtisseries. La procession, après une pieuse station devant la maison du saint allait, en grande cérémonie bénir la Seine, car le peuple croyait que le dragon, docile à l'ordre du saint, s'était jeté dans l'eau et était allé jusqu'à la mer; cette bénédiction était pour remercier la Seine d'avoir aidé à sa délivrance. Ainsi le voulait la crédulité populaire.  [...]


Partager cet article sur :