La légende de la libération du seigneur de Réchicourt [Saint-Nicolas-de-Port (Meurthe-et-Moselle), Réchicourt-le-Château (Moselle)]

Publié le 24 novembre 2024 Thématiques: Croisade , Eglise , Légende chrétienne , Libération , Musulman , Noblesse , Prière , Prison , Prisonnier , Saint Nicolas , Saint | Sainte ,

Château de Réchicourt
Château de Réchicourt. Source Marc Baronnet, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
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Source: Pitz, Louis / Contes et légendes de Lorraine (1966) (3 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Château de Réchicourt / Réchicourt-le-Château / Moselle / France
Lieu: Basilique Saint-Nicolas / Saint-Nicolas-de-Port / Meurthe-et-Moselle / France

C'était vers l'année 1230, au cours de la désastreuse sixième Croisade. L'armée des Croisés, déjà épuisée par la maladie et les privations, venait d'essuyer une sanglante défaite, près de Gaza en Palestine.

Parmi les nombreux prisonniers chrétiens capturés par les infidèles, figurait Cunon de Linange, sire de Réchicourt, un brave chevalier lorrain qui s'était à plusieurs reprises vaillamment distingué dans les combats, en compagnie du comte de Salm.

Le malheureux prisonnier fut conduit dans une ville inconnue et jeté au fond d'un cachot sans lumière, profond et malodorant, en attendant que le duc de Lorraine eût versé sa rançon. On le chargea de lourdes chaînes; ses bras et ses pieds furent entravés à l'aide de gros anneaux de fer, scellés dans les murailles.

Pour toute compagnie, Cunon de Réchicourt n'avait que des rats, qui lui disputaient parfois sa maigre nourriture.

De nombreuses années s'écoulèrent. Emmuré vivant comme dans un tombeau, le prisonnier voyait les jours succéder aux jours sans qu'un signe de sa libération n'apparût. Depuis longtemps, ses vêtements étaient tombés en lambeaux. Ses cheveux et sa barbe, qui avaient poussé abondamment, lui donnaient un visage affreux, hideux à voir, où les yeux seuls avaient conservé quelque chose d'humain.

Et ce qui ajoutait à sa peine, c'était qu'il se sentait abandonné de tous. Les secours qu'il avait espérés des chevaliers rentrés en Lorraine tardaient, hélas! à venir. Peut-être ceux qui avaient promis de lui venir en aide étaient-ils morts ou prisonniers, eux aussi? Peut-être même l'avait-on oublié?

Pourtant, Cunon de Réchicourt ne perdait pas courage. Il continuait d'espérer, contre toute vraisemblance, une libération prochaine. Dans le fond de son cœur, il ne se lassait pas d'invoquer saint Nicolas et d'implorer son assistance. Chaque soir, avant de s'assoupir, il adressait au saint patron de la Lorraine une prière ardente et s'endormait sur des rêves d'évasion.

Or, le 5 décembre 1240, il pria saint Nicolas avec plus de foi et de ferveur encore. Quelque chose lui disait que la fin de ses malheurs était proche. C'était comme une certitude irraisonnée, mais profonde, inébranlable. Puis, fatigué par sa longue prière, Cunon de Réchicourt s'assoupit.

Soudain, il se réveilla, grelottant de froid. Il ouvrit de grands yeux étonnés.
Où était-il donc?

En effet, au-dessus de sa tête, il apercevait les étoiles, les étoiles scintillantes qu'il n'avait plus vues depuis dix ans. Il regarda autour de lui. Mais était-ce un rêve ?... Les murs de sa prison avaient disparu. Un vent vif et glacial fouettait son visage.

Cunon de Réchicourt se souleva.

Mais, ô stupeur! Il vit qu'il était couché sur les marches de l'église de Saint-Nicolas-de-Port, en Lorraine, à quelques lieues de son fief. Le grand saint, exauçant sa prière, l'avait miraculeusement transporté pendant son sommeil sur le parvis de ce sanctuaire.

Fou de joie et de reconnaissance, Cunon se jeta à genoux. Il voulut entrer dans l'église. Mais l'édifice était encore fermé.

Il n'attendit pas longtemps, car un prêtre arriva bientôt pour dire le premier office. Voyant cet être hirsute, couvert de haillons, le prêtre recula de frayeur.
— N'ayez aucune crainte, lui dit alors le malheureux. Je suis Cunon de Réchicourt. Saint Nicolas m'a sauvé.
— Ce n'est pas possible, dit le prêtre.

Mais Cunon lui tendit son sceau, marqué aux armes de Réchicourt et de Lorraine. Alors, le prêtre le reconnut et s'écria :
— Dieu soit loué! C'est donc vrai.

Il fit aussitôt sonner les cloches à toute volée. Toute la population accourut et alors, pendant qu'on chantait l'office d'action de grâces, les chaînes que le prisonnier portait encore, tombèrent toutes seules, les lourds anneaux de fer s'écartèrent d'eux-mêmes et roulèrent avec fracas sur les dalles de l'église.

Ainsi Cunon de Réchicourt retrouva-t-il la liberté.


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