La légende du pilier qui pleure de la Basilique de Saint-Nicolas-de-Port [Saint-Nicolas-de-Port (Meurthe-et-Moselle)]

Publié le 13 décembre 2024 Thématiques: Annonce de malheurs , Eau , Eglise , Guerre , Larme , Miracle , Moine , Mort , Pierre qui s'ouvre , Siège , Soldat ,

Basilique Saint-Nicolas
Basilique Saint-Nicolas. Source Antoine Taveneaux, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
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Source: Pitz, Louis / Contes et légendes de Lorraine (1966) (2 minutes)
Contributeur: Fabien
Lieu: Basilique Saint-Nicolas / Saint-Nicolas-de-Port / Meurthe-et-Moselle / France

Les années 1635-1636 comptent parmi les plus sombres de toute l'histoire de la Lorraine.

Un terrible fléau, la guerre de Trente ans, s'était alors abattu sur cette malheureuse province et y sévissait avec une rigueur inouïe. Suédois, Allemands. Croates. Hongrois se succédaient en bandes sinistres, pillant, massacrant, ravageant, brûlant, saccageant tout sur leur passage. Chaque soir, le ciel était illuminé par le rougeoiement des incendies, tandis qu'une fumée âcre, irrespirable, flottait sans cesse dans l'air. De nombreux villages perdirent en ces années d'épouvante plus de la moitié de leurs habitants. D'autres disparurent à jamais dans la tourmente.

Le matin du 5 novembre 1635, l'approche d'une forte bande de Suédois fut annoncée à Saint-Nicolas-de-Port. Effrayés et surpris, les habitants n'eurent pas le temps de s'enfuir dans la forêt. Abandonnant leurs maisons, ils cherchèrent refuge à l'intérieur de l'église, avec l'espoir que ce lieu d'asile serait respecté des brigands.

Pendant une semaine, la soldatesque étrangère s'en donna à cœur joie dans le village abandonné. Ce ne furent que ripailles, bombances et ivrogneries, suivies de l'incendie des maisons. Réfugiés dans la vaste église, terrorisés par le crépitement des incendies et les cris de fureur des pillards, les malheureux villageois attendaient désespérément la fin de leurs misères.

En peu de temps, le village entier flamba et ne fut bientôt plus qu'un amas de ruines. Seule, au milieu de ce désastre, l'église demeurait intacte.

Mais grisés par leur folie destructrice, les Suédois voulurent parachever leur œuvre de mort avant de se retirer. Une étincelle, allumée par une main criminelle, jaillit soudain sous la toiture de l'église et, en peu de temps, la charpente tout entière fut en feu. Les hautes flammes claires qui s'échappaient du toit, étaient, dit-on, visibles jusqu'à Nancy.

Alors, la clameur de la foule emprisonnée se fit effrayante : des cris de terreur fusèrent de toutes parts.

A grands coups de hache et de pique, les soldats enfoncèrent les portes de l'église. Puis, se ruant à l'intérieur, ils firent un épouvantable carnage.

Mais à l'autel de sainte Barbe, Dom Moye, bénédictin, achevait de dire sa messe. Quand il se rendit compte de la situation, il saisit le calice et courut se réfugier derrière le gros pilier de la tour Saint-Pierre.

Au milieu d'une panique et de hurlements indescriptibles, les soldats acharnés poursuivaient leur abominable massacre. De nombreux cadavres gisaient sur les dalles. Dom Moye se serrait étroitement contre le pilier.

Soudain, un grand Suédois barbu l'aperçut. L'épée haute, il bondit.

Mais au même instant, le pilier s'entr'ouvrit sur le moine, puis se referma aussitôt en l'engloutissant. Interdit, le soldat s'arrêta, le souffle coupé devant le prodige.

Il ne renonça pourtant pas à poursuivre sa victime, et frappa le pilier à grands coups, dans l'intention de le démolir. Mais son arme se brisa contre la pierre et furieux, il jeta ses débris, en proférant d'innombrables blasphèmes.

Ce pilier, qui renferme toujours le moine bénédictin échappé à la fureur des pillards, se voit encore à l'église de Saint-Nicolas-de-Port.

Quand on appuie l'oreille contre la pierre, on entend une plainte lointaine, que semble exhaler le pilier.

Et quand de graves menaces pèsent sur la Lorraine, quand de pénibles événements sont proches, ce pilier suinte abondamment : on dit alors qu'il pleure. Ainsi, peu avant les guerres de 1870 et de 1914, on put voir de grosses gouttes couler le long de la pierre : les larmes que le moine emmuré verse à l'approche de nouveaux malheurs.


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