Dans le voisinage de Baden-Scheuern il doit avoir existé de temps immémorial un château isolé dans lequel habitait Immo, dernier rejeton de sa famille, jeune gentilhomme, sauvage et fuyant la société de ses semblables. Il n'avait qu'un vieil écuyer et une servante qui habitaient avec lui le château et pourvoyaient à ses besoins; mais son chien fidèle l'accompagnait toujours.

Depuis le grand matin jusque bien avant dans la nuit, le chasseur sauvage, c'est ainsi qu'on l'appelait, parcourait les forêts du voisinage et celles plus éloignées, où il poursuivait le gibier, qui le craignait plus que tout autre chausseur, car sa flèche était infaillible, et sa ruse et son adresse incroyables.

Un jour il lui arriva que pour la première fois sa flèche, autrefois si sure, manqua son coup lorsqu'il la lança sûr un beau chevreuil blanc qui paissait rapidement près de lui; irrité de cette mésaventure et stimulé par la beauté de ce noble animal, il se mit à sa piste avec une persévérance, dont lui seul était capable; et de cette manière poursuivant toujours le chevreuil qui le devançait et les traces de son chien, il arriva sur le sommet du Batter où les rochers, d'une hauteur effrayante, élèvent leurs cimes vers le ciel. Le chevreuil effarouché s'élance, se sauve dans une fente de rocher, et déjà le téméraire chasseur se croit certain de saisir sa victime, lorsque, tout-à-coup, une nymphe entourée d'un éclat enchanteur et d'une beauté éblouissante, paraît devant lui, protégéant d'une main le chevreuil poursuivi, élevant l'autre vers le chasseur pour le menacer, et d'une voix semblable aux sons d'une harpe, elle lui dit: «Immo pourquoi poursuits-tu mon chevreuil?» Subjugué par l'étonnement et la surprise, le sauvage chasseur tomba à genoux devant la nymphe en se couvrant les yeux, éblouis de cette splendeur. Lorsqu'il eut le courage de se relever, la nymphe et le chevreuil avaient disparu, il ne vit plus que des esprits follets hideux qui, sortant des rochers, le firent frissonner en le regardant pour le narguer, et se moquer de lui.

Ce chasseur autrefois si sauvage s'en retourna chez lui le cœur entièrement changé, et personne ne le revit plus jamais poursuivre le gibier dans les forêts.