Le révérend abbé de Notre-Dame d'Acey était mort l'avant-veille en odeur de sainteté. Les cérémonies funèbres avaient eu lieu le matin dans l'église du couvent, et le corps de l'abbé, revêtu de ses ornements sacerdotaux, avait été descendu dans le caveau profond ménagé sous le sanctuaire pour la sépulture des pères abbés de Notre-Dame.
Voilà que, pendant la nuit, le démon vint tenter le frère Adalbert. II lui rappelle que le défunt portait à l'index de la main droite un anneau d'or très précieux qui venait, dit-on, de l'Empereur Conrad. Le révérend abbé avait encoré ce joyau quand on le déposa dans son sépulcre. « Pourquoi perdre cet anneau, se dit Adalbert. » Il se munit d'une lanterne et d'un levier de fer, et se glissa furtivement dans l'ombre du caveau, après avoir soulevé péniblement la lourde pierre qui en fermait l'entrée. Il approche en frémissant de la tombe du révérend abbé, l'ouvre, et arrache l'anneau sacré du doigt raidi par la mort. Tout-à-coup, un bruit affreux retentit sur sa tête. La pierre qui bouchait l'entrée du souterrain, et qu'Adalbert n'avait fait que soulever, était retombée d'elle-même. Voilà le moine coupable enseveli vivant. Nul bruit ne saurait percer l'épaisseur des voûtes; nul effort ne saurait rouvrir d'en bas l'entrée du caveau. A l'heure de matines, quand les religieux se rendirent à l'office divin, une des stalles était vide, et oncques depuis on ne revit le frère Adalbert. Quand les chants eurent cessé, cette nuit là, quelques religieux crurent entendre des gémissements souterrains; mais ils prirent ces bruits pour les plaintes des âmes qui souffrent en purgatoire et qui se recommandent aux prières des vivants. A quelques années de là, quand la mort d'un nouvel abbé de Notre-Dame fit rouvrir le caveau funéraire, on retrouva, au bas de l'escalier, le cadavre desséché d'Adalbert et la preuve de son crime.