La légende du cheval fantôme de Sallenôves [Sallenôves (Haute-Savoie)]

Publié le 4 août 2022 Thématiques: Animal , Château , Cheval , Croisade , Enlèvement , Femme , Légende chrétienne , Lieu hanté , Noblesse , Prêtre | Curé , Protection ,

Château de Sallenôves
Château de Sallenôves. Source Semnoz at French Wikipedia, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
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Source: Dessaix Antony / Légendes et Trad. Pop. de la Haute-Savoie (1875) (2 minutes)
Lieu: Château de Sallenôves / Sallenôves / Haute-Savoie / France

Au point de jonction de la Grande et de la Petite Usse, surgissent les tours et le donjon du château de Sallenôves. Au nombre des pièces de ce château, que des réparations considérables ont conservé dans un état satisfaisant à la fois l’antiquaire et l’ami du confortable moderne, il en est une qui porte le nom de Chambre du Diable. Pénétrez-y hardiment, mais n’attendez pas que votre guide vous y introduise, vous attendriez trop longtemps. Les habitants de la contrée n’y entreraient pas le jour, à plus forte raison la nuit. Du reste, cette chambre est murée; un homme peut passer à travers l’étroite baie qui est pratiquée dans une grossière maçonnerie, mais un cheval n’y passerait pas. Il s’agit, en effet, de confiner derrière cette muraille le cheval-fantôme qui hante ce manoir et de l’empêcher de se faufiler dans les autres parties du château.

Donc, derrière cette muraille qui isole la Chambre du Diable du reste de l’édifice, il y a un cheval bardé de fer, la bouche écumante, la crinière hérissée et tout prêt à partir en guerre. Quand vient le soir, il piaffe d’impatience et fait résonner les dalles de la vieille tour des coups de son rude sabot. Mais la brèche qui donne accès à sa prison et par laquelle passe sans doute le palefrenier chargé de l’étriller, oppose une résistance sans merci, et le cheval ronge son frein sans pouvoir donner cours à sa belliqueuse ardeur. Il s’en venge par des hennissements qui ressemblent à des rugissements, et tous les alentours sont frappés de terreur quand ces hennissements dépassent le diapason ordinaire. De guerre lasse, il prend ses ébats dans sa prison et s’y livre à un manège effrayant.

Pendant que le vidame de Chaumont faisait la guerre en Terre-Sainte, le seigneur de Sallenôves avait tenté d’enlever son épouse en légitime mariage. Le chapelain du château était la seule protection de la belle Berthe; mais elle était efficace. Sallenôves était parvenu à gagner les sentinelles, et il était près de réussir dans son entreprise, quand le chapelain, à la nouvelle du danger que court sa maitresse, fulmine du fond de son oratoire une excommunication contre le déloyal chevalier. Aussitôt l’orage éclate, les deux Usses se gonflent, envahissent l’endroit où se tenait le félon sur un cheval impétueux, et cheval et cavalier sont entraînés dans les flots qui se referment sur eux. Le cheval n’étant qu’à demi coupable, on admit en sa faveur les circonstances atténuantes; ou lui permit de revenir sur l’eau, et pour le dédommager du danger qu’il avait couru, on lui donna la retraite que vous savez.


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