La légende de Notre-Dame-de-l’aumône [Rumilly (Haute-Savoie)]

Publié le 15 juillet 2022 Thématiques: Aveugle , Blessure , Chapelle , Chasse , Chasseur , Légende chrétienne , Miracle , Noblesse , Origine d'un culte , Origine d'un lieu ,

Notre Dame de L’aumône
Notre Dame de L’aumône. Source geocaching.com
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Source: Dessaix Antony / Légendes et Trad. Pop. de la Haute-Savoie (1875) (2 minutes)
Lieu: Notre Dame de L’aumône / Rumilly / Haute-Savoie / France

A moins d’un kilomètre de Rumilly, en remontant la rive gauche du Chéran, ce pactole des Savoyards qui préfèrent gagner à chercher de l’or cinquante sous par jour que trois francs à fouiller la terre, sous une belle avenue de platanes, on rencontre la chapelle de Notre-Dame-de-l’Aumône.

Le pont de Rumilly, plus fameux par la traduction fantaisiste que l’on donne de l’inscription qui le décore que par l’élégance de sa construction, n’existait pas encore : – Hic pons factus est… Ce pont a été fait ici. Cela prouve en faveur de l’antiquité de la famille Calino.

Quand ce pont n’existait pas, les voyageurs traversaient le Chéran près de la chapelle où se trouvait un gué. Mais il arrivait souvent que la rivière n’était pas guéable et qu’il fallait attendre que l’eau eût diminué. Alors on trouvait au prieuré qui avoisinait la chapelle bon souper, bon gite et le reste. Le voyageur pouvait rester huit jours chez ces montagnards écossais sans bourse délier. Mieux que cela, il remplissait ses poches et faisait, avant de partir, ses provisions de voyage. On appellerait cet asile Notre-Dame-de-l’Aumône à moins.

Notre-Dame-de-l’Aumône est l’un des pèlerinages les plus en vogue de la Savoie, et M. l’abbé Simond, le vénérable curé de Rumilly, qui a reconstruit la chapelle sur les plans de M. l’architecte Fivel – chapelle dont la consécration solennelle a été faite le 15 août 1863, – n’a pas peu contribué à la vogue dont jouit ce saint pèlerinage.

Le pèlerinage a de l’histoire devant lui, la chapelle sa légende, et la légende est seule de notre domaine.

Or, la légende raconte que le seigneur Amédée de Conzié, fervent disciple de saint Hubert, mais chrétien indigne de ce nom, passait ses journées dans les forêts, poursuivant la bête fauve, pendant que ses vassaux pratiquaient scrupuleusement leurs devoirs religieux. Un jour de l’année 1240, ce seigneur mécréant avait vainement battu les bois et les broussailles, sans pouvoir atteindre aucun gibier. Outré de dépit, il lança une flèche contre la statue de la Vierge qui ornait un rustique oratoire pratiqué dans le tronc d’un vieux chêne, sur les bords du Chéran; mais au lieu d’atteindre l’image vénérée, la flèche, revenant sur elle-même, vient frapper l’impie en plein visage et lui crève les yeux.

Puni de son sacrilège, Amédée de Conzié se jette à genou, implore la Sainte-Vierge, promettant, s’il recouvrait l’usage de la vue, de faire ériger une magnifique chapelle sur le lieu même où il venait de commettre son acte coupable.

Sa prière fut exaucée, il revit la lumière du jour, et son premier soin fut d’accomplir son vœu. Il fit édifier la chapelle où l’on déposa en grande pompe la statue enlevée de sa niche trop rustique pour être regrettée.

Ce seigneur fonda aussi et dota avantageuse ment un prieuré de chanoines réguliers de Saint-Augustin, dépendant de l’hospice du grand Saint-Bernard. Ces religieux avaient pour mission de desservir la chapelle et d’assister les voyageurs.

Le pont en question a rendu inutile le prieuré où l’on attendait sans impatience que le Chéran redevint humble et se laissât traverser ; mais la réputation du sanctuaire grandit tous les jours à la grande satisfaction du commerce de la localité, délaissée plus que de raison, depuis que les chemins de fer ont anéanti les diligences.


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