La légende de la Vénus-Sanglier de Langin [Boëge (Haute-Savoie)]

Publié le 12 mars 2023 Thématiques: Animal , Chapelle , Christianisation , Diable , Légende chrétienne , Mort , Noblesse , Origine d'un lieu de culte , Païen , Sanglier ,

Chapelle Notre Dame des Voirons
Chapelle Notre Dame des Voirons. Source Alexey M., CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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Source: Dessaix Antony / Légendes et Trad. Pop. de la Haute-Savoie (1875) (2 minutes)
Lieu: Notre-Dame-des-Voirons / Boëge / Haute-Savoie / France

Sur le versant des Voirons qui regarde le lac de Genève on voit une chapelle. Cette chapelle est le dernier vestige d’un ermitage qui succéda à un temple païen; la chapelle a sa légende.

Quand les dieux de l’Olympe étaient à la mode, il existait en ces lieux un temple dédié à Vénus, dans ce temple une idole, et derrière cette idole des malins qui jetaient des sorts à tort et à travers et qui en voulaient surtout aux adorateurs du Christ, ce vrai Dieu qui venait détrôner leurs déesses court vêtues.

Les cultes sont tenaces et les adorateurs entêtés. La plaine était depuis longtemps convertie à la religion nouvelle que les montagnards ne se résignaient pas encore à renoncer aux dieux de leurs pères. Le temple de Vénus était encore le but de nombreux pèlerinages.

L’évêque de Genève ne pouvait rester indifférent en présence d’un tel scandale ; aussi prit-il en main le soin d’anéantir l’erreur et donnait-il mission à des chrétiens zélés d’aller détruire ce reste du paganisme.

On eut bientôt raison de la la statue païenne, le temple ne résista pas longtemps, et tout semblait assurer le triomphe de la foi; mais Satan n’avait pas dit son dernier mot, car il ne capitule pas aisément. Satan, qui avait su prendre la forme de Vénus, la déesse de la beauté, ne devait pas être embarrassé pour prendre une autre forme sous laquelle il put se rendre aussi redoutable qu’il savait se rendre séduisant. Donc, il se métamorphosa en sanglier, et en sanglier énorme. Véritable bête du Gévaudan, il dévastait la contrée, arrêtait les voyageurs et les mettait en pièces quand ils se refusaient à renier le Christ et à cracher sur l’Evangile. En a-t-il mangé du monde !

Un jour, chassant dans la montagne, le seigneur Amédée de Langin fit rencontre du sanglier diabolique. Déjà le monstre avait dévoré le varlet du seigneur, son piqueur, son sonneur de cor et le cor avec, et le seigneur avait reçu lui-même un coup de boutoir qui n’était pas sans donner de vives inquiétudes au médecin de la maison. Tout en se confiant aux soins de celui-ci, le blessé fit vœu, s’il échappait à la mort, d’ériger, sur l’emplacement même où le sanglier l’avait frappé, une chapelle à la Vierge.

Il fut guéri et accomplit fidèlement son vœu.

Or, une nuit, que, par inadvertance, on avait laissé la chapelle ouverte, le sanglier, qui aime trop à fourrer sa hure partout, ayant pénétré imprudemment dans le sanctuaire, se laissa prendre, tuer et dépecer au pied de l’autel, comme un simple Fra Diavolo dans une auberge de Terracine.

Mais une chapelle appelle un monastère: la chapelle d’Amédée de Langin eut ses moines et ses ermites. Ceux-ci ont disparu, mais celle-là est restée, et avec elle la tradition, qui ne fait pas beaucoup d’honneur à Vénus non plus qu’à Satan, mais que notre sincérité nous fait un devoir de recommander à la philosophie de l’histoire.


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