Le bon vieux curé de Saint-Etienne-Lallier vint à mourir… C’était un homme de bien : on le regretta fort dans la paroisse.
Un soir, quelque temps après sa mort, un habitant du pays, passant devant l’église, s’aperçut qu’elle était brillamment illuminée. C’était chose étonnante à cette heure où tout le monde était couché!
Le lendemain matin, il parla de cette étrange clarté à un de ses voisins, en ajoutant que probablement le bedeau avait oublié d’éteindre les cierges… L’autre hocha la tête et dit en baissant la voix d’un air mystérieux et craintif: qu’il en était ainsi chaque soir. Cette circonstance fit faire bon nombre de conjectures. Bientôt presque tout le village s’entretint de ce phénomène.
Le bedeau et l’un des chantres de la paroisse, des esprits forts qui ne pouvaient croire à quelque chose de surnaturel et qui cependant s’étonnaient de cette vive lumière, résolurent d’approfondir le mystère. Pour cela, le soir venu, au lieu de se retirer après la prière… ils restèrent dans l’église.
Dix heures, onze heures sonnèrent, rien d’extraordinaire ne se montra…Onze heures et demie ! Onze heures trois quarts ! Enfin, au premier coup de minuit, l’église se trouva illuminée comme par enchantement.
Mais, ô prodige! ni les lampes, ni les cierges ne brûlaient. La lumière semblait venir du dehors et filtrer au travers des murailles de l’édifice; c’était d’ailleurs une lumière pale, froide, inanimée, sans vacillations, ni rayonnements.
Nos esprits forts commencent à trembler de tous leurs membres… La cloche de l’église se met en branle… Puis, au fond du sanctuaire, se dresse une ombre. Cette ombre, peu à peu, devient plus distincte… Elle se rapproche de nos deux incrédules terrifiés. Cette ombre est revêtue des habits sacerdotaux d’un prêtre officiant.., elle a les traits, la démarche du vieux curé défunt.
Cet être presque diaphane s’avance en glissant sur le sol ; il commence le tour de l’église et s’approche de l’endroit où se tiennent le chantre et le bedeau. Ceux-ci sentent une sueur froide ruisseler sur leurs fronts… Le prêtre continue sa promenade, revient au pied de l’autel, s’y agenouille quelques instants, recommence un second tour et toujours ainsi…
Une heure sonne! La clarté mystérieuse disparait tout à coup… la forme du prêtre se dissipe peu à peu en se perdant dans les ombres de la nuit.
Le lendemain. …
Ce fut une grande rumeur parmi tous les habitants de la paroisse… on s’épuisait vainement à rechercher la causa d’une si étrange apparition… Le bruit se répandit que l’église était hantée.
Le nouveau curé, très-étonné lui-même de cette lumière extraordinaire qui éclairait chaque soir l’intérieur de l’église après l’heure de la prière, et croyant à une mystification, s’engagea, pour faire cesser le scandale, à y passer la nuit à son tour.
Il demeura en prière dans le chœur. L’illumination ordinaire ne se montra pas. Mais, à minuit, un globe de feu surgit dans l’église, la parcourut en tous sens, et vint se fixer sur la balustrade qui sépare le chœur de la nef; le curé voulut porter la main sur cette boule enflammée, elle s’enfuit avec un sifflement effrayant et s’éteignit dans ce rapide mouvement.
Il y eut alors au presbytère une grave conférence entre le curé et le vicaire. Ils cherchèrent en vain la cause de ces mystérieuses apparitions… Etaient-ce des avertissements providentiels ? L’annonce d’un châtiment ? d’un fléau ? Ou bien l’ancien curé, avant sa mort, n’avait-il pas omis de dire une messe qui lui avait été payée ? faute très-grave au dire des casuistes.
On consulta les registres de l’église. On acquit la conviction que c’était bien la cause du prodige. Il fallait maintenant mettre fin à ces étranges apparitions. Mais quelle personne se chargerait de ce soin ? Car, on le sait, ce n’est pas sans danger qu’on vient au secours des âmes en peine. Le curé ne le pouvait pas: il était trop utile à la paroisse. Le vicaire se dévoua. Preuve que ce n’est pas toujours au haut de l’échelle qu’on trouve les belles âmes.
Il se présenta à l’autel au moment où le revenant s’y tenait, se disposant à dire la messe. Ce dernier inclina la tête en signe de remerciement, puis se mit à officier secondé par le vicaire.
Lorsque l’Ite missa est fut prononcé, les cierges s’éteignirent d’eux-mêmes comme ils s’étaient allumés, le revenant disparut et ne se montra plus à l’avenir.
Le vicaire mourut dans l’année.