[...] Une [...] fois, le fermier Bernard revenait de Besançon. Il n'en était sorti qu'à la fermeture des portes. A minuit sonnant, il arrivait aux Ormes, endroit mal famé, comme les Rancenières, la combe d'Huche, le Confitemini, où tout bon chrétien, par peur du diable se signe en passant. Bernard n'y songeait seulement pas. Le temps était superbe; pas un bruit sur terre, et, par un beau clair de lune, l'ombre des ormes géants se projetait au loin dans la prairie. Tout à coup Bernard aperçoit, à quelques pas devant lui, un petit chevreau noir qui portait un collier. Il s'arrête pour contempler mieux la gentille bête qui semble l'attendre.
Tiens, tiens, se dit notre homme, voici un petit bouquot qui ferait diantrement mon affaire! Il cueille une poignée d'herbe qu'il présente au chevreau, en l'appelant d'une voix caressante. Mais au moment où il croyait le saisir par son collier, le petit chevreau fait un bond et s'enfuit dans la plaine. Bernard qui le voit s'arrêter à quelques pas, le suit doucement, l'appelle de nouveau. Dix fois il est sur le point de le saisir, dix fois la bête agile s'échappe et s'enfuit. Pas moins, pensait Bernard, ce petit diable de chevreau aurait joliment fait mon affaire; sans compter qu'on prétend chez nous qu'un bouc assaini l'écurie. Bernard continue de le poursuivre à travers des prés fangeux, tant et si bien que le pauvre fermier tomba dans une fondrière où il aurait peut-être passé la nuit, en grand danger d'y périr, si deux hommes de Thise, éveillés par ses cris, ne l'eussent secouru.
Ce chevreau, c'est [...] la Dame verte.. Elle est l'image des mauvais sentiments. Si vous vous laissez dominer par eux, ils vous feront tomber dans un bourbier, comme le fermier Bernard.