La légende du servant de Catherine [Saint-Hippolyte (Doubs)]

Publié le 31 mai 2023 Thématiques: Amour , Amour non partagé , Domestique | Serviteur , Jalousie , Jeune fille , Jouer des tours , Lutin , Punition ,

Le village de Saint-Hippolyte
Arnaud 25, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons
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Source: Monnier Désiré / Traditions populaires comparées (1854) (2 minutes)
Lieu: Une maison à Saint-Hippolyte / Saint-Hippolyte / Doubs / France

-Follet, follet, mon petit follet, disait à basse voix la gentille Catherine, de Saint-Hyppolite, que puis-je faire pour me montrer reconnaissante de tant de bon offices que tu me rends nuit et jour? C'est par toi que je brille: sans toi je ne serais plus rien. -Être toujours chéri de toi, Catherine, ma bonne Catherine; voilà ma plus douce récompense. C'est par toi que je suis sage, reprend la candide jeune fille sans toi je serais peut-être comme tant d'autres! -Et moi, réplique l'invisible fouletot, moi qui suis le plus inoffensif de tous les êtres, sans toi j'en serais le plus méchant.

-Follet, follet, mon petit follet, que m'arriverait-il, si j'allais devenir amoureuse et songer au mariage? -Prends-y garde, Catherine! la vengeance serait terrible. Tu l'as dit tout à l'heure, c'est par moi que tu brilles, c'est par moi que tu es sage: tu serais sans talent, sans vertu, et bientôt sans emploi.

Mais Catherine n'écouta pas toujours les conseils de l'Esprit ; elle parut du moins les perdre de vue, en prêtant l'oreille à des propos qui n'étaient pas, à beaucoup près, aussi désintéressés un joli garçon de la ville lui demanda sa main, et la main fut promise.

Le petit lutin s'aperçut du changement survenu dans les affections de son amie. Plus fidèle à sa menace que Catherine ne l'était à ses promesses, il tira vengeance de cet affront, et voici comment.

A une heure très avancée de la nuit, que la maîtresse de Catherine revenait d'une soirée, elle voit un jeune homme qui descend avec mystère et précaution de la fenêtre de la domestique, en disant : à demain, Catherine, à demain! La dame croit le reconnaître; elle monte; elle va gourmander l'innocente qui dormait d'un bon somme. Allons, allons, dit-elle d'un ton sévère, ne faites pas semblant de dormir, je sais tout ce jeune garçon sort d'ici ; je l'ai vu, je lui ai parlé, il m'a répondu. -Mais, que veut dire madame? -Je veux dire, Catherine, que je ne puis tolérer une pareille conduite, et que votre compte sera fait demain matin. -Je ne comprends rien, en vérité, à ce que dit madame! répétait-elle en se frottant les yeux. C'est bien, c'est bien!

La pauvre Catherine calomniée (Oh! indignement calomniée, car elle était simple et pure comme un enfant) eut beau se disculper avec toute la sincérité du langage et du cœur, son compte fut fait, et elle, congédiée.

Or, tout cela, je n'ai pas besoin de l'ajouter, était l'ouvrage de notre lutin vindicatif : il était allé chez son rival, qui dormait aussi d'un bon somme; lui avait enlevé ses habits; s'en était affublé, et s'était montré en personne à la maîtresse de la maison, afin de lui faire croire à une intrigue amoureuse, et de provoquer contre la parjure le châtiment de son inconstance.

Cette histoire est connue de toutes les fileuses de la Franche-Comté et pas une d'elles ne la met en doute lorsqu'on la raconte à la veillée.


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