Les habitants d'Anzême, fatigués de traverser la rivière en bateau pour aller à Champsanglard et autres localités situées du côté du Berri, se décidèrent à faire construire un pont, mais l'endroit était très-escarpé et encombré de rochers qu'il fallait faire disparaître; les travaux seraient longs et difficiles, le devis s'élèverait à des sommes bien au-dessus des ressources de la commune, que faire ? On était fort embarrassé, lorsque le Diable se présenta et prit l'engagement de construire le pont en une seule nuit si l'on voulait lui abandonner le premier être qui passerait dessus. Nouvel embarras; on voulait bien accepter les services de Satan, mais on pensait à juste titre que l'âme d'un chrétien était toujours préférable à une somme d'argent, quelque considérable qu'elle fut. La discussion menaçait de devenir orageuse, lorsque sur les observations d'un membre, qui calmèrent les esprits, on décida à l'unanimité qu'il y avait lieu de traiter avec le Diable, ce qui fut exécuté le soir même.
Le lendemain matin, le Diable en était à sa dernière pierre lorsqu'il vit arriver le plus beau chat de l'endroit, un véritable matou de chanoine, quoi. Jugez de son désappointement, lorsqu'il vit qu'il devait se contenter d'un chat au lieu d'une bonne âme du bon Dieu ! Pour se venger il jura que le pont ne serait jamais terminé, et vous pourrez tous voir la dernière pierre qui n'a jamais pu être scellée : quand on la place pendant le jour, le Diable ne manque jamais de la déranger dans la nuit.